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Récits d'appelés page 3

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Jean Vidalenc à bien voulu nous faire le récit de son parcours dans les Aurès

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        Un Gars du Génie   Jean Vidalenc  57/2B  

 

                                Extrait tiré des « Les rats des Aurés »

 

C’est par un pur hasard que je ai découvert sur le site de Michel Bousignière, j’ai vite compris que nous avions passé une partie de nos 20 ans à fouler les mêmes monts des Aurès et éprouvé les mêmes angoisses dans ces paysages majestueux. Voici en quelles que lignes ce parcours qui marqua mon exitance à tout jamais.

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Quatre mois de classe au 4e Génie de Grenoble durant les quel nous avons appris le maniement des explosifs et des différentes mines. Nous nous sommes rendus utiles en édifiant deux ponts Bélay à fin de désenclaver un petit village isolé par un torrent en furie dans la vallée du Queyras.                                                  Puis ce fut le départ pour l’Algérie, direction le sud de la frontière algéro-tunisienne pour participer à confection de la ligne Morice, d’El-Ma-El-Abiod à Bir-El-Ater. D’avril 58 à janvier 59, nous avons déroulé ce piège mortel en vivant en vrai nomade, mais en bonne camaraderie. Les gens du FLN qui tentaient le passage de nuit pour rejoindre ceux de l’intérieur nous obligeaient à intervenir pour réparer et mettre en état le réseau le plus rapidement possible, mais nous n’avons jamais eu de sérieux contact avec eux. Le plus stressant était la confection des champs de mines.

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En février nous avons quitté la frontière pour les Aurès. De février à mai, ce fut la construction de piste dans le secteur de Bouzina, déminage de la voie ferrée dans la région d’El-Kantara, protection du pipe-line pétrolier entre El-Outaya et Biskra.

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           Il doit être écrit quelque part que je n’aurai pas le temps de prendre racine sur le sol algérien, car début mai, je viens d’apprendre que je suis promu volontaire d’office pour incorporer à Batna la future SAS du 71ème régiment du Génie de Zone. Mais attention, c’est sans compter sur les subtilités de l’Armée. Car il ne faut pas rêver, quand je dis SAS, il ne s’agit pas d’une de ces Sections Administratives Spécialisées dont on nous parle si souvent (elles furent ce qui se fit de mieux pour le peuple algérien et nous pouvons nous en réjouir des résultats obtenus par le contingent remplaçant l’administration inexistante particulièrement dans les petits douars perdus dans le djebel, en y créant des écoles, des dispensaires médicaux, jouant un rôle important dans l’émancipation de la femme) mais d’une Section Armes Spéciales, généralement appelée « Section grotte ». Beaucoup moins pacifique, effectuant une mission au combien plus dangereuse et obscure (c’est le moins que l’on puisse dire), leurs acteurs n’en ont pas démérité pour autant.   

          Les SAS : c’est au printemps 59, grande trouvaille du Général Challe, qu’il fut décidé de créer des groupes spécialisés capables d’intervenir dans les plus brefs délais (souvent par héliportage) au cœur même d’opérations se trouvant confrontées à des adversaires occupant ces innombrables grottes et caches que recèlent les massifs des Aurès et des Nementcha.

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        En septembre à Batna, notre lieutenant me suggère de faire une demande de permission, mes deux ans de service approchant. J’écoute son conseil et fais ma demande. Huit jours après, une note du bureau administratif du régiment me fait parvenir son refus, sous le prétexte que je suis déjà parti à l’automne 1958. Devant cette déconvenue, ma mère venant de subir une grave opération, par l’intermédiaire de mes sœurs, je demande à son chirurgien l’envoi d’un télégramme d’urgence. Sceptiques, mais sans preuve contraire, les bureaucrates zélés décident de m’accorder une permission de quarante-huit heures seulement pour faire près de 4000 km aller-retour, pensant ainsi que j’y renoncerais.

        Mon lieutenant me met en relation avec ses amis légionnaires qui avec une jeep et un 6x6 doivent se rendre à Constantine dans la soirée. C’est le pied au plancher que nous avalons les 120 km de la route qui par endroits passe entre les lacs salés, paradis des flamants roses, et des paysages de toute beauté. Nous arrivons à la nuit tombante. Le lendemain, c’est à bord d’un camion plein de permissionnaires que les 90 km jusqu’à Philippeville seront parcourus.

       Là, au pied de la passerelle de l’El-Djezaïr que les choses se compliquent. Un bureaucrate, appelé du contingent, est chargé de tamponner les titres de transport. Il refuse de tamponner le mien prétextant que les quarante-huit heures seront écoulées avant que j’arrive à Marseille. Sur le coup je vois rouge et lui demande si par hasard il ne voudrait pas aller faire son zèle dans le djebel plutôt que là sur sa chaise devant son petit bureau. Le ton monte, les gars qui attendent leur tour, dont beaucoup ont terminé leur service, commencent à s’impatienter. Certains sont à deux doigts de le balancer à la mer, lui et sa paperasse. Prenant peur, notre homme finit à contrecœur par donner son coup de tampon. Quelques instants après, mon bateau s’éloigne des côtes africaines. 

       Traversée sans problème. Arrivé à Marseille, je prends le train pour Aurillac via Toulouse, mais la galère continue. Les gendarmes sont avant moi chez mes parents, le petit con de Philippeville a dû faire son rapport. Mon père est furieux, la maréchaussée bon enfant me laisse passer la nuit chez nous à condition de promettre de reprendre le chemin du retour dés le lendemain.

 

           Voici novembre, à la compagnie, les gars de la 57/2B organisent le fameux « Père Cent » qui marque les cent jours restant en principe avant la quille. Ils se font un plaisir de nous inviter à leurs réjouissances, nous qui sommes trois à la SAS également de la 57/2B. Ils font imprimer le dépliant du Père Cent où ils ont pris soin de mettre un petit mot sur chacun de nous trois. Ils se débrouillent, je ne sais par quel moyen, pour organiser un repas où même le champagne est présent. Tout se passe dans la bonne humeur, les plus doués nous font un vrai récital de chant digne de l’Olympia.

        Aucun ne connaissant vraiment notre rôle, nous leur expliquons que depuis que nous avons quitté la frontière, nous menons une vraie vie de Bohême au sens large du terme, seule la bonne marche de nos armes nous est primordiale. Chacun étant responsable de la sécurité de tous. Chez nous, pas de treillis bariolés, ni de casquettes à la Bigeard, toujours anonymes, sans papier, n'y autre plaque d’identité, d’horizons les plus divers, mais tous avec la hantise de s’en sortir sans trop de casse. Que de braves types) courageux, râleurs, taillés à coups de serpe, faciles à manipuler. Pour les gens des compagnies dont nous dépendions, nous n’étions qu’une équipe de pauvres types pas très fréquentables, sacrifiés, allez savoir pour quel motif inavouable. La majorité n'a jamais rien compris à notre situation. Seuls les chauffeurs de GMC, qui nous conduisent en opération, constatent à notre retour l’état de fatigue et l’abnégation de tous. Très souvent héliportés à l'aller, jamais au retour et malgré les efforts des gars du train pour nous récupérer, c'est toujours épuisant de regagner le campement. Notre vaste périmètre d'action s'étend au-delà de Batna - Khenchela – Biskra – Barika. Au cœur des Aurès grand fief de la rébellion, vrai coupe-gorge permanent, véritable gruyère, mais des paysages sublimes.

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       Qui n’a pas au moins une fois entendu parler des Aurès ou de la Kabylie n’a pas vécu la guerre d’Algérie. Aucun n’envie notre place obscure et sans fioriture. Il faut être inconscient pour pénétrer dans une cache sans savoir si elle est occupée. Dire qu’à présent, j’ai du mal à me débarrasser des taupes dans ma pelouse ! Contrairement à bien d’autres unités qui commencent par l’envoi de grenades ou utilisent les lance-flammes dans les grottes avant d’y pénétrer, nous, nous avions comme principe de fouiller la cache, d’en extraire les éventuels occupants avant de la gazer et de terminer en faisant sauter l’entrée à l’explosif. La tache était beaucoup plus risquée en procédant de la sorte. La vie d’éventuels prisonniers est sauvegardée, cette dernière, n’ayant pas de prix à nos yeux .

        Nous sommes très souvent appelés à intervenir sur les hauts plateaux surplombant le canyon du Ghoufi. Les « fells » y naviguent comme des poissons dans l’eau et disparaissent comme par enchantement. Le Piper d’observation venant d’en repérer un petit groupe juste après le passage d’un ratissage, nous y sommes dépêchés sur place. A cette saison, c’est un vent glacial qui balaie ces immenses étendues semi-désertiques. C’est par un coup de chance inouïe qu’un sapeur remarque un buisson qui lui paraît bien suspect. Effectivement, à sa base l’alfa présente des traces anormales de piétinement. Il secoue le buisson en tirant dessus et celui-ci se laisse enlever découvrant un trou circulaire d’une cinquantaine de centimètres de diamètre.  Pas de doute, c’est bien l’entrée d’une cache dont les bords laissent deviner le passage récent d’un de ses occupants.

 

            Depuis notre arrivée en AFN, quand nous sommes de garde, nous avons pris l’habitude de dormir dans notre propre lit et le chef de poste vient nous réveiller dix minutes avant notre tour. Au moulin de Guareschi, nous devons coucher sous la tente servant de poste et l’adjudant de compagnie tient à nous le rappeler lors du rassemblement de toute la compagnie pour la montée des Couleurs. Notre ami K., pourtant d’un naturel très calme, apostrophe l’adjudant : « je coucherai au poste quand vous en aurez sorti les puces ». Médusé, l’autre de renchérir « K., je vais vous foutre de la tôle et vous ferez du rab ». Ce dernier fait un pas en avant et répond «  faites bien attention, car à Marseille j’ai des petits copains qui sont méchants ». Personne ne dit mot, drôle d’ambiance. Un incident du même genre se produit chez nous durant une opération. Depuis une semaine, un de nos caporaux-chefs est parti pour un mois de permission. Son remplaçant, frais moulu de sa promotion en France, veut tenter de nous faire marcher à la baguette. Mal lui en prend, car à la première sortie à laquelle il participe, nous escaladons un piton rocailleux qui nous fait suer sang et eau. Plutôt bedonnant et jaugeant les 90kg sur la bascule, notre homme arrive au sommet complètement épuisé. N’ayant pas su gérer sa ration d’eau durant l’ascension, il en quémande à T.. Ce dernier vide son bidon à ses pieds sur les rochers et lui propose de les lécher. Personne n’a rien voulu voir de la scène et nous continuons notre progression comme si rien ne s’était passé. Le soir au mess notre homme a dû se plaindre de sa mésaventure à ses collègues qui eux crapahutent depuis sept mois avec nous. Aussi bêtes que méchants, ces derniers ne trouvent pas mieux que de piéger son lit avec un bouchon allumeur de grenade qui explose dès qu’il s’assoit dessus au moment de se coucher ! Le lendemain, il transmet sa demande de mutation au capitaine de la compagnie et nous ne l’avons jamais revu.

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         Un après-midi, en rentrant de patrouille, nous apprenons que le lendemain, le 9 décembre, nous allons nous installer avec la deuxième compagnie à Victor Duruy à 20 km au sud-est de Batna. Pris au dépourvu, l’un de nos camarades, qui élève un lapin récupéré je ne sais où, décide de le transformer en civet plutôt que de l’abandonner. Le cuistot refusant d’allumer sa roulante, c’est dans une grande boîte de conserve, arrosée de vin et sur un réchaud improvisé que la pauvre bestiole va terminer en un genre de rôti plus ou moins brûlé. Cet événement mit fin à notre séjour au moulin. De toute façon nous n’aimons pas cet endroit. Avec les chiottes à côté des cuisines, agréables pour les mouches qui n’ont pas grand trajet pour faire le va-et-vient entre les deux. Le poste de garde avec l’adjudant qui veut que l’on y couche. Les tirs nocturnes d’une quadruple mitrailleuse 12/7 dont les balles traçantes, qui ricochent sur les rochers, déchirent la nuit dans le but de protéger les gars de garde sur le piton voisin. La proximité de l’oued qui risque de tout emporter en période de crue. Vraiment, rien ne nous fera regretter ce camp sans âme.

          Une fois de plus, nous chargeons tout notre barda dans les GMC et, tels des romanichels, allons-nous installer sous d’autres cieux. Qui a dit que les voyages formaient la jeunesse ? Nous, nous avons l’impression de l’avoir perdue, notre jeunesse !

          Nous sommes en alerte permanente 24h sur 24. Tout à côté du camp, un emplacement a été aménagé pour faciliter l’atterrissage des Sikorsky nous amenant sur les lieux de nos interventions. Notre première opération depuis notre arrivée a lieu le 3 décembre. Ce jour-là, j’ai hérité du tout dernier modèle de poste radio portatif ayant la forme d’un gros téléphone. Je suis en liaison permanente avec le SCR300 de jeep de notre lieutenant. Les camarades sont  en train de fouiller une grotte dans laquelle ils découvrent les traces récentes du séjour de plusieurs individus. Quand tout à coup, j’entends Radio Monte-Carlo qui commente la catastrophe survenue dans la nuit. C’est la rupture à 2h du matin  du barrage de Malpasset sur le Reyran qui fait, on le sera plus tard, 423 victimes. Autour de la jeep, tous les gars sont scotchés aux écouteurs craignant le pire pour leurs proches. Tellement anéantis par l’ampleur du désastre, ils en oublient de me reconnecter sur le poste de commandement et c’est une pluie d’insultes que je reçois quand enfin la liaison est rétablie avec le PC de l’opération.

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Peu avant Noël, le 23 décembre exactement, nous sommes appelés à Tolga à 40 km au sud de Biskra, soit à plus de 150 km de Victor Duruy. Aujourd’hui point de Sikorsky en vue, nous sommes donc amenés à nous taper tout le trajet avec une jeep, un 6x6 et un GMC. Nous passons devant notre ancien emplacement après les gorges d’El-Kantara ainsi qu’El-Outaya, ensuite entre Biskra et Tolga nous nous heurtons à une dune qui barre la route.

       Dès notre arrivée à Tolga, nous apprenons que des rebelles sont censés squatter le réseau souterrain irriguant une palmeraie. Sur les renseignements d’un prisonnier, nous découvrons un trou d’homme dissimulé au pied d’un palmier. Avec un camarade, nous nous glissons dans l’étroit boyau, d’à peine 80 cm sur 1m20 de hauteur, qui nous conduit à un ruisseau peu profond dont l’eau est fraîche et claire. Mon camarade avance courbé, son arme prête à faire feu. Je le suis, une main sur son épaule ; de l’autre, je déclenche un rayon de lumière avec ma torche spéciale. Le courant efface toute trace sur le lit de sable, quand tout d’un coup sur une partie émergée, je distingue très nettement deux empreintes de pas. C’est sûr, quelqu’un est bien passé par là. D’une tape sur l’épaule, je le fais remarquer à mon collègue. Nous progressons avec précaution quand, avec un autre jet de lumière, nous devinons à quelques mètres un tournant ainsi qu’un muret d’où partent des coups de feu qui endommagent la voûte au-dessus de nos têtes. Le boyau est si étroit qu’il est plus prudent de ne pas faire de lumière ni de tirer à l’aveuglette même avec une grenade. Accroupis au maximum, nous crions à ceux qui nous ont pris pour cible de se rendre avant que nous employions les grands moyens. Ne recevant aucune réponse, nous nous replions pour demander à l’homme qui tout à l'heure nous a fourni l’information, de proposer en arabe aux belligérants de se rendre. Les coups de feu de ces derniers nous confirment leur façon de non-recevoir. Après avoir ajusté les masques à gaz et nos tenues étanches, c’est en rampant dans l'eau, tels des rats d’égout, que nous déposons et amorçons un pot de la valeur de 50 grenades à gaz sur la partie de sable émergé. Pendant que nous nous extrayons de nos combinaisons, notre lieutenant demande aux militaires du coin de garder les environs jusqu’au lendemain. Pour agrémenter le retour, nous avons pendu dans le GMC un régime de dattes que nous avons grappillé tout au long du chemin et sommes arrivés à la nuit à Victor Duruy. Le lendemain, nous apprenons que sur les indications que nous avions fournies, une pelleteuse du génie décapa la voûte et mit à jour dix corps de rebelles et leurs armes. Le rapport administratif précise que nous avions mis dix rebelles hors de combat, il aurait fallu préciser, définitivement !

           La durée légale de notre service militaire étant dépassée, nous devenons des « maintenus » ce qui nous vaut une légère augmentation de notre solde. Certains en font profiter le foyer et lorsque nous rentrons d’opération, il est préférable que celui-ci soit ouvert, sinon gare à la casse. Pour ma part, j’en ai tellement marre de cette vie de dingue que, dès que j’ai un peu de temps libre, je le passe sur mon lit. Je ne suis pas le seul à avoir adopté cette pratique. C’est sous mon matelas, du côté droit, à portée de main que se trouve ma carabine. Combien de fois l’ai-je serrée contre moi, particulièrement pendant les gardes par tous les temps. Amie précieuse que l’on bichonne comme une fiancée et à qui l’on confie ses angoisses les plus intimes. C’est bien une des seules choses que j’aurais aimé ramener de mon séjour africain. Pas que je sois attiré par les armes, bien au contraire, car depuis que j’ai été chasseur et chassé, je n’ai plus retouché à une arme à feu.

 

              Le 25 décembre, nous faisons la grasse matinée. Un courageux s’est dévoué pour aller aux cuisines chercher le café et regarnir le poêle. Chacun vaque à ses occupations, brin de toilette, lessive,  nettoyage de son arme, graissage des rangers et bien entendu l’immanquable courrier. Pour Noël, le cuistot et ses acolytes ont reçu l’ordre du Capitaine en personne de se surpasser. Il a été décidé que toute la compagnie, officiers et simples troufions, partagerait le même menu et ensemble. Le repas amélioré est arrosé de bons vins, rien ne manque pour marquer ce jour que chacun aimerait passer en famille. Avec le café et du mousseux, les langues se délient et certains nous font connaître leur puissance vocale. Des humoristes dévoilent aussi leur talent caché.

         Un plaisantin, qui a un peu forcé sur la bouteille, se lève et commence à crier :" Capitaine, une chanson". Beaucoup d’entre nous sont fort gênés, car notre patron souffre d’un léger zozotement, séquelle d’un coup de crosse dans la mâchoire par ses geôliers en Indochine. Sans une hésitation, de petite taille, le Capitaine grimpe sur sa chaise et commence à entonner : Viens avec moi ramasser du crottin (et à son interlocuteur : répète avec moi) viens avec moi ramasser du crottin, tu tiendras le seau moi je tiendrai la pelle. (Répète) viens avec moi ramasser du crottin, tu tiendras le seau moi je tiendrai la pelle, nous partirons quand le seau sera plein. (Et maintenant tous en cœur, répétez). Notre mélomane se rassoit sous nos applaudissements, s’il ne vient pas de gagner la guerre, il vient de gagner la sympathie de ses hommes.

             Entre Noël et le jour de l’An, nous effectuons quelques sorties dans les environs sans grande conviction, dans la neige ou sous la pluie glaciale.                                 La nuit du 31, je suis de garde de 23 h à 1 h du matin. Je monte celle-ci dans un half-track découvert, positionné à l’entrée du camp. Emmitouflé dans ma capote, sans oublier le passe-montagne et les gants de laine, la bretelle de ma carabine à l’épaule, je scrute les alentours sous la lune, pensant qu’avec un froid pareil les gens du FLN doivent avoir plutôt envie de rester à l’abri que de venir se frotter à l’armée d’occupation. L’half-track est équipé d’une impressionnante mitrailleuse 12-7 dont j’ai une envie folle de mettre en action pointée vers le ciel, les balles éclairantes rejoignant les étoiles jusqu’à épuisement de la bande. Tu rêves mon gars, redescends sur terre, demain tu commences ton vingt-septième mois d’armée, tu en as plein le cul et tu es sans savoir quand tout cela va se terminer ?

 

          La journée du premier janvier, le matin est consacré à la grasse matinée. L’après-midi, pendant que certains font une cure de bière au foyer, d’autres, toujours les mêmes irréductibles, ont entamé une énième partie de belote, entourés de quelques curieux. Plusieurs en profitent pour écrire des lettres de vœux à leurs proches. Notre alsacien ne trouve pas de mots assez tendres pour sa chérie « mon amour, je t’embrasse là où ta peau est si douce entre tes seins arrogants comme des fruits mûrs, j’ai hâte de te serrer dans mes bras…. », plus amoureux que lui tu meurs. Rares sont mes lettres, une tous les quinze jours ces derniers mois, je n’ai plus rien à dire, trop d’horreurs, plus la force de mentir, oui tout est OK, rien à signaler, le temps, la bouffe, les paysages, la guerre est belle ! Sur une étagère un transistor ronronne en continu sans que personne n’y prête attention. La plupart fument et le poêle aussi, notre piaule ressemble à une tanière, mais nous nous y sentons bien et en sécurité.

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        Ce jour-là, nous embarquons dans deux Sikorsky H11, qui nous déposent sur le Djebel Metlili dont le sommet culmine à 1495 m d’altitude, surplombant la palmeraie d’El-Kantara, des paysages à couper le souffle. Et pourtant du souffle il nous en faut pour crapahuter dans ces montagnes avec notre barda. Quand tout à coup nous apercevons dans le ciel, deux points noirs qui grossissent en se dirigeant vers nous, ce sont les Sikorsky qui sont de retour. Il y a contrordre, nous réintégrons nos hélicos qui redécollent immédiatement. Nous sommes rapidement escortés par un troisième, un H34 Pirate dont on devine l’armement lourd. Nous nous dirigeons vers une falaise formant un demi-cercle surplombant un tas d’éboulis sur un plateau légèrement boisé avec sur la gauche quelques mechtas. Nos deux hélicos nous déposent rapidement devant ces éboulis pendant que le troisième resté en altitude fait cracher son canon de 20 mm dans la falaise pour parer aux tirs d’éventuels rebelles postés dans les replis de la paroi.  Au sol nous comprenons rapidement que nous venons d’être déposés au milieu d’un sérieux accrochage. Après avoir mis à l’abri d’un rocher nos caisses d’explosifs, gardées par S.J. ainsi que le radio et son matériel, nous empruntons un sentier qui monte vers le sommet de la falaise d’où l’attaque est partie. Le Sikorsky Pirate tire toujours pour protéger notre progression, en plus de son canon, sa mitrailleuse rafale au-dessus de nos têtes. C’est à ce moment que nous découvrons les premiers moudjahids tués en travers de notre chemin. Combien sont-ils trois, quatre, cinq, tels des pantins désarticulés, nous n’y prêtons pas attention tellement l’ambiance est plombée. L’étroitesse du sentier en encorbellement nous oblige à progresser en file indienne. Après les deux premiers vient notre mascotte, un chien bâtard suivit de G., moi-même qui trimballe un pot à gaz, notre Kabyle avec son Mas 36, le Martiniquais avec sa caisse de TNT, l’infirmier suit derrière.

       Plus nous nous élevons, plus nous découvrons, l’ampleur du désastre, tous ces hommes tombés sur place dans cette embuscade tendue depuis les flans de la falaise. Des blindés sont arrivés sur les lieux avant nous et ont mis fin à l’attaque. Notre petite colonne progresse avec méfiance. Les premiers dépassent une cavité de quatre mètres de large, peu profonde, mais sur le devant de laquelle un bloc couché sert de parapet, faisant un emplacement de combat idéal. Quelques mètres plus loin, entouré de buissons, un semblant de faille. Les deux hommes de tête y jettent un rapide coup d’œil et continuent leur progression. Par contre notre mascotte s’y aventure et en ressort précipitamment. Ensuite, c’est au tour de G. de passer devant cette faille d’où jaillit soudainement une rafale d’arme automatique lui broyant la cuisse gauche et le clouant sur place. Les deux premiers le tirent à eux pendant que je vide mon chargeur dans l’interstice rocheux pour permettre à notre infirmier de rejoindre le blessé.

          Il va faire nuit sans tarder et c’est le moment que choisissent les fells pour venir dégager leurs acolytes de la grotte. En guerriers aguerris, ils ont placé deux fusils mitrailleurs qui tirent en feu croisé sur les hommes se trouvant dans les éboulis en bas de la falaise. Avec notre Kabyle et le Martiniquais, nous nous réfugions derrière le parapet que nous venons de dépasser. Les fells sont au-dessus de nos têtes et balancent des grenades qui explosent après nous être passées devant les yeux. De l’autre côté, à quelques mètres, l’infirmier s’occupe du blessé et fait tout pour cacher leur présence aux lanceurs de grenades. Dans les derniers rayons de soleil c’est l’apocalypse, ça tire de tous les côtés, de notre perchoir nous assistons impuissants au carnage qui se déroule en bas sous nos yeux, pas mal de combattants tombent à terre, mais le peu de clarté nous empêche de savoir s’ils sont blessés ou simplement couchés pour éviter le feu des FM ennemis. A présent la nuit est tombée, les armes se sont tues. Planqués dans notre trou à rat, serrés les uns contre les autres, nous nous apprêtons à passer la nuit les yeux rivés sur l’entrée de la grotte toute proche. Les piqûres de calmant ont fait leur effet, car nous n’entendons plus notre camarade gémir. Dans l’attente, je me remémore subitement que je n’ai jamais possédé la légendaire plaque métallique d’identité qui se coupe en son milieu pour identifier les corps des bidasses tués au combat. Ceci ne m’avait jamais interpellé jusqu’à cette nuit. Mais comment cela est-il possible ? C’est juste ce moment-là que choisit un chef de section pour se diriger vers notre abri pour savoir s’il n’y avait pas de ses ouailles parmi nous. Le Kabyle à mon côté percevant son approche est à deux doigts d’ouvrir le feu croyant avoir à faire à un adversaire, c’est dire l’état de tension dans lequel nous nous trouvons.  Vers cinq heures du matin, grâce à un rayon de lune G. est évacué en bas de la falaise en attendant qu’un hélico sanitaire puisse se poser et récupérer les nombreux blessés. Une fois l’évacuation sanitaire terminée, nous procédons au traitement de la faille où les deux occupants furent tués. En redescendant le petit sentier, nous nous demandons ce qui s’est réellement déroulé hier soir. En nous approchant du rocher où nous avons entreposé notre matériel, nous trouvons S.J. en état de choc. C’est en larmes qu’il nous apprend que notre radio, grièvement blessé, a été héliporté dans un état alarmant. Tétanisé par la peur lors de l’attaque, S.J. n’a rien pu faire pour aider son camarade. A cause du drame qui s’est déroulé en ce lieu nous, qui hier n’étions partis en principe que pour la matinée, n’avons rien mangé depuis. En fouillant son sac à dos, notre Kabyle en sort une petite boîte de sardines que nous nous partageons à trois tandis qu’à côté de nous notre mascotte lèche le sang du rebelle dont la tête a explosé sous une rafale de la mitrailleuse d’un blindé au moment même où il s’apprêtait à égorger notre radio. La scène est surréaliste et je la revis cinquante ans plus tard comme si c’était aujourd’hui.  Déjà les fantassins ont quitté les lieux, les blindés détruisent au canon les mechtas qui devaient servir de repaire aux rebelles. Pour nous, comme à chaque fois que nous sommes héliportés, se pose le problème du retour. Vu l’état du terrain, il est certain que les gars du train ne pourront pas, avec leurs Simca flambant neufs, venir nous récupérer avant plusieurs kilomètres. Notre sergent demande à son homologue des blindés de bien vouloir nous laisser grimper sur leurs engins afin de nous éviter une trop longue marche. Ce dernier refuse en constatant que nous trimbalons avec nous des explosifs, qui risquent de mettre en danger ses hommes et son matériel en cas d’attaque d’un tireur isolé. Qu’à cela ne tienne, notre sergent lui demande de patienter dix minutes. Avec trois hommes, ils vont déposer plastic et TNT à l’endroit même où nous avons passé la nuit. Ils nous rejoignent au pas de course quand une terrible explosion déchire nos tympans. Non seulement notre cache est anéantie, mais c’est tout un pan de la falaise qui a disparu. Sans plus attendre, nous grimpons sur les blindés et quittons ce sinistre lieu. 

 

            Le jeudi 25 février à 7h du matin, un de nos sergents nous annonce : Les hélicos seront là à 8h, armement habituel, prévoyez des boîtes de ration pour quarante-huit heures. Et voilà ça repart, la guerre continue. A sept heures quarante-cinq, le secrétaire du capitaine fait irruption chez nous et annonce : S.J., M. et Vidalenc à partir de huit heures, rendez-vous au bureau du Capitaine pour récupérer vos livrets militaires, vous embarquez après-demain à Philippeville pour rentrer chez vous. Abasourdis, nous n’en croyons pas nos oreilles. Notre détention serait-elle terminée ? C’est la première fois qu’un contre-ordre nous fait autant plaisir.

           Avec M. la première chose que nous faisons, c’est de préparer nos appareils photo pour immortaliser l’embarquement en hélico de nos camarades de combat pour une destination inconnue comme nous l’avions fait si souvent.

           Nous n’avons même pas eu le temps de leur faire nos adieux. C’est le cœur serré que nous regardons les mammouths s’élever dans les airs, comme nous l’avons vécu tant de fois. Que la chance soit avec eux !

 

          Installé en fond de cale sur ma chaise longue, la première chose que je fis, fut d’avaler les comprimés que j’avais pris soin de réclamer à l’infirmier de la compagnie afin de ne pas être malade. La fatigue aidant, je pense m’être endormi pratiquement tout de suite et c’est le remue-ménage de mes voisins qui le lendemain m’a réveillé. Ils venaient d’apercevoir la silhouette de la Bonne Mère de Marseille. C’est la cohue pour monter sur le pont, certains balancent à la mer leur paquetage tellement ils sont heureux d’en avoir enfin fini avec cette putain de guerre. Nous débarquons donc le 28 février à 15 heures. Mais pour parer à tout débordement, les autorités nous ont préparé un comité d’accueil, c’est entre deux rangées de CRS que nous sommes dirigés vers nos trains respectifs en l’occurrence celui en partance pour Toulouse dans mon cas. Voilà qu’à présent c’est nous qui sommes dangereux, pauvre monde, heureusement que nous sommes désarmés.

         Une fois installé dans mon wagon, je fais le bilan de ces 24 mois passés en AFN.  J’y ai rencontré des gars sympathiques et je regrette encore aujourd’hui que nous n’ayons pas eu l’idée d’échanger nos adresses. Je m’aperçois également que nous avons eu très peu de rapports avec la population algérienne.

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Dans le train qui me ramène à la vie civile j’ai une pensée pour ces Aurès. Magnifiques et mystérieux avec beaucoup de ressemblance aux montagnes cantaliennes. Ces habitants, les chaouis, qui n’ont jamais acceptaient le joug colonialiste, ressemblent étrangement aux cantaliens de l’époque de mes grands- parents. Les Aurès resteront gravés dans ma mémoire jusqu'à la fin de mes jours. Quel bidasse n’a pas frissonné la première fois qu’il eu à franchir les gorges d’El-Kantara, parcourir les hauts plateaux et découvrir le cañon du Rhoufi ou se trouvé au milieu les ruines de Timgad !

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         Nous nous sommes battus contre des hommes courageux et déterminés, attachés à leur terre, à leur mode de vie et à leur croyance. En rentrant chez moi, je ne peux m’empêcher de penser aux horreurs de cette guerre dont je n’ai jamais fait allusion dans mes rares lettres. J’ai l’impression d’avoir eu beaucoup de chance de m’être sorti a peut prêt en bon état de ce bourbier algérien qui ne peut se terminer que dans le cahot.

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Pierre Naudet

Pierre Naudet Appelé de la classe 58 2/B

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       Avec le recul de l’historien, Pierre Naudet nous raconte ce que fut pour lui la guerre d’Algérie, ce qu’on appelait alors : Les événements d’Algérie. Dans un premier temps, il décrit l’accueil que nous réservaient nos familles, nos amis à notre retour en Métropole. Il apporte un éclairage sur les différentes facettes de nos départs pour cette grande aventure, nos affectations de l’autre côté de la Méditerranée, où beaucoup avant ce grand voyage se voyaient déjà en train de jouer aux boules sur les quais d’Alger.

      Puis, Perre Naudet nous entraine sur son parcours personnel, son embarquement sur le paquebot « Ville d’Oran », sur les lieux de ses différentes affectations. Il nous fait vivre des moments intenses en nous faisant part de ses émotions dans certaines circonstances, des séquelles qu’il a gardées de cette période difficile.

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      Souhaitons que ce travail de mémoire permette aux jeunes générations de comprendre et de garder en mémoire le souvenir de nos morts durant ce conflit qui marqua notre Histoire.

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      Espérons qu’un jour l’homme sera capable de mettre fin à ces guerres qui ne grandissent pas son image, mais n’apportent que destructions et souffrance dans le monde.

Pierre Naudet a relevé le destin de deux résistants alors peu connus, Renée Simonnet et Roger Morel. Grâce à ses recherches, les noms de Renée Simonnet et Roger Morel ont été gravés sur le monument aux Morts de Grand-Lucé. Pour ce faire, il a écrit à de nombreuses mairies françaises et allemandes pour découvrir l’histoire de Renée Simonnet. Née en 1920, elle travaille comme infirmière lorsque la guerre débute. Elle est entrée en résistance dès le 18 juin 1940. En 1941, elle trouve un emploi à Worms en tant qu’employée de maison. Elle y rencontre un prisonnier français qui lui apporte les plans d’une usine. Elle essaie de les envoyer en France, mais la lettre est ouverte et elle est arrêtée. Le 21 octobre 1943, elle est condamnée et est guillotinée le 17 juillet 1944. Après avoir terminé ses recherches sur Renée Simonnet, Pierre Naudet a ensuite découvert le destin de Roger Morel. Capitaine et inspecteur de l’armée de l’air, au début de la Seconde Guerre mondiale, Roger Morel occupe le poste d’aviateur observateur radio. Il entre en résistance en 1942 à Orange (Vaucluse) où il réceptionne les parachutages. Il est arrêté le 24 avril 1943 et est déporté au camp de Neue Bremm puis à Buchenwald et Dora où il décède le 22 mars 1944.

Renée Simonnet est la seule femme dont le nom est gravé sur un monument aux Morts dans le département de la Sarthe. Les deux résistants découverts par Pierre Naudet figurent aussi sur le mur des noms du mémorial de la Résistance au Mans.

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 Chapitre 1   Le fossé  : nous et les autres

 Chapitre 2   Il y avait trois façons de «   partir   » en Algérie 

 Chapitre 3   Le Départ 

Chapitre 4   LE VOYAGE

Chapitre 5 Il y avait trois manières de "Revenir" d'Algérie

Chapitre 6   L’arrivée en Algérie

Chapitre 7   Les entrainements

Chapitre 8   Tlemcen

Chapitre 9   Le Barda 

Chapitre 10 La vie d’un appelé.

Chapitre 11   Brigadier « Schmoll »

Chapitre 12   Les opérations en terrain « ennemi »

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 Chapitre 1   Le fossé  : nous et les autres.

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Nous sommes, maintenant moins renfermés qu’avant notre appel sous les drapeaux. Il fut un temps où nous ne parlions, surtout pas, de cette partie de notre vie.  C’était un blocage complet, dû à l’incompréhension de nos proches, parents et ami(e)s. En effet, lorsque nous sommes revenus, nous étions considérés comme des « vacanciers ».

 

Nous n’étions pas des soldats, nous étions allés là-bas, dans un pays chaud, pour nous promener !

 

C’était le point de vue de la famille, et des amis, mais aussi celui des administrations.  Nous avons été complètement ignorés, dépossédés des droits dont pouvaient bénéficier les soldats. Pourtant, les dégâts et le besoin de soutien, qui en résultaient, étaient bien réels.

 

C’est un sujet très profond des conséquences, invisibles, de la« guerre psychologique » 

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 Chapitre 2   Il y avait trois façons de «   partir   » en Algérie  :

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-ceux qui avaient fait leurs classes en France, ou en Allemagne qui étaient ou non spécialisés. Ils arrivaient déjà formés au métier de soldat.

 

-ceux, comme nous, qui sommes partis directement, et arrivés en Algérie en civil sans aucune connaissance des armes ou du combat.

 

-Ceux qui étaient rappelés. Les plus oubliés étaient les plus traumatisés, aussi.

Ils savaient  ce qu’il se passait là-bas. Ils en étaient revenus, et avaient repris le fil de la vie active. Certains venaient de fonder une famille. Ils repartaient, donc, en laissant beaucoup de tristesse chez eux, et en sachant ce qui les attendait.

 

En 1955, je sortais d'une école d'apprentissage, et je suis entré en usine, j’avais 17 ans. Chez mes parents, nous n'écoutions pas ce qu'il se passait au-delà de la Sarthe. Quant au journal, seul mon père le lisait, puis le mettait à la poubelle.

 

Donc pas de renseignements sur les « événements »

 

Donc, certains de mes collègues ont été rappelés, et Ils étaient effondrés !

 

Certains arrivaient, déjà, gradés et commandaient des plus anciens qu’eux, qui n’avaient, donc, aucun grade, Certains n’avaient aucune connaissance de ceux-ci. Il y avait, et cela a été mon cas, tout un système à appréhender. Toutes les catégories sociales étaient mélangées, avec et, surtout, pas de diplômes !.

 

Certains d’entre-nous montaient en grade, mais d’autres ne voulaient absolument pas progresser, ou monter d’échelons dans ce domaine. Ils ne voulaient pas se spécialiser.

 

Pourtant ce n’étaient ni des trouillards ni des fainéants, mais ils voulaient rester à la base, afin de ne pas avoir de responsabilités.

 

Enfin, il y avait ceux qui refusaient de porter des armes. Ils étaient sévèrement punis, tout en restant en Algérie, après leur incarcération, dans divers lieux de rétention. Leur vie était un enfer, dirigée par des militaires ayant fait la guerre d'Indochine (des brutes épaisses!!)

 

De là, toute la complexité de cette guerre, avec un ennemi invisible qui, de jour comme de nuit, harcelait, et tuait tout ce qui leur semblait un empêchement  à redevenir des Algériens, dans leur pays.

 

De 1954 à 1964 : des milliers de soldats ont été envoyés, en Algérie. Avant 1954, il y avait déjà des appelés, mais je n’ai jamais su ce qu’ils faisaient là-bas.

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 Chapitre 3   Le Départ 

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Pour les 3 jours de pré-selection : Je suis allé à Guingand. On nous a fait faire des tests en pagaille, une visite médicale puis on passait devant un officier orienteur qui déclarait, en fonction de nos résultats aux tests, quel parcours nous allions suivre. On pouvait lui demander où on allait aller (en Allemagne ? En Algérie ? En France ?) Il répondait que cela ne nous regardait pas et décidait sans nous de notre sort.

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Personnellement, je suis un simple chaudronnier (j’ai encore avec moi mon certificat d’études et mon certificat d’aptitude professionnelle de Chaudronnier. Voilà la base de mon érudition. Lorsque j’ai passé les tests, l’officier orienteur m’a dit que j’irai à Saumur pour faire l’école d’officier. J’ai dit que je n’étais pas capable et j’ai refusé car, dans ma tête, officier signifiait que je devais rempiler. On ne savait rien. Je me suis accroché à ce que je connaissais : J’ai dit que je voulais être comme mon père et mon grand-père, maximum sous-officier. Il n’a pas  insisté. Donc, dès le démarrage, nous étions orientés.

 

Tout était imposé sans aucune explication. On nous donnait notre feuille d’embarquement ( je ne l’ai plus, je l’ai donnée dans un musée). On nous ordonnait de rejoindre  la caserne désignée (dans la Sarthe, c’était la 117ème RI). Là, pendant deux jours , nous avons attendu.

 

Dans des chambrées de 30 bonhommes, que nous ne connaissions pas. Les anciens, qui sont déjà là, nous encadrent et nous ordonnent de faire les « corvées ». D’autres, tout aussi au hasard, étaient désignés par les anciens pour aller au bar décharger des caisses. Puis, ils allaient boire ( ils avaient besoin des plus jeunes pour les ramener). Ils jouaient aux cartes et c’est ainsi que j’ai appris à jouer au Rami.

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A mon retour, je fus appelé au poste de garde. C’était ma mère. Je n’avais pas 20 ans et elle venait me chercher pour que je passe une soirée à la maison. Elle avait trouvé, je ne sais pas qui comme bras long, elle ne me l’a jamais dit. Logiquement, on ne ressortait plus. J’ai tenté de  résister. Mais elle m’ a dit que mon père y tenait…

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Je n’ai pas résisté plus longtemps, j’avais compris. J’étais fils unique. Comme mon père a fait les deux guerres parce qu’il est né en 1899, il a fait la fin de 14-18  où il a été gazé puis il est allé au lyban par la suite parce qu’il s’était engagé. J’ai son livret militaire, Il a été rappelé en 40, a été prisonnier en Allemagne, a été blessé aussi. J’ai pensé qu’il était légitime qu’ils veuillent me voir avant que je parte parce que là-bas, on savait ce qui arrivait…

Donc, c’est le contexte de démarrage de certains. Chaque soldat a son histoire et toutes les histoires sont différentes.

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Après ces deux jours à la caserne, le lendemain, à 5 h du matin, le paquetage devait être prêt et nous sommes montés dans les camions. Les camions étaient bâchés. Nous ne voyions rien de l’extérieur et avions perdu tout sens de l’orientation. Comme je connaissais bien Le Mans, en fonction des virages et dénivelés ressentis, je pouvais présumer que nous allions à la gendarmerie à Cavaignac. Effectivement, nous sommes arrivés rue des marais. Il y a avait une grande porte en fer et là, nous avons débarqué du camion pour nous faire rapidement embarquer dans un train. Je travaillais juste en face. Tout a été fait en silence. Nous étions surveillés, encadrés par les CRS, armes aux poings.

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Les départs ne se sont pas tous passés ainsi.  Les départs des rappelés occasionnaient parfois de sacrées bagarres car des personnes tentaient d’empêcher les trains de partir.

Moi, j’étais content de fiche le camp de chez moi, de chez mes parents, pour enfin vivre que de ma propre initiative. Parce qu’avec mes parents, il y avait de nombreuses interdictions et règles à respecter. J’étais sous leur responsabilité jusqu’à mes 21 ans inclus.  Le contexte pour un jeune de 20 ans était très différent. J’étais donc heureux de partir. Je pensais que c’était une liberté. Mais cette liberté, je l’ai vite reperdue.

Expression sarthoise ? Idem papy: « non d’une pipe » « bourre pif »

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Chapitre 4    LE VOYAGE

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      Jusqu'à  Marseille, pour la plupart. Le fameux camp de Ste Marthe. On était une 40taine  de lits sur 3 étages. 120 bonhommes dans la même pièce. Voilà qui me changeait de ma chambre chez mes parents, moi qui étais fils unique. Je n’étais pas mécontent de cet épisode.

 

Les sergents du camp m’ont pris en sympathie. Ils m’ont emmené au bar et m’ont donné une permission pour visiter : je voulais voir la cannebière.

 

J’ai embarqué dans un paquebot, le ville d’ORAN. D’autres dans des bateaux qui avaient servi à transporter des moutons, des bateaux plus que sales.

 

Sans être gradé, nous étions installés dans les cales, comme les moutons. Il y avait des transats. Il y a eu une tempête terrible, les toilettes ont débordé. Nous étions au moins 500 là-dedans, en civil, donc rien pour se changer. Il fallait surveiller son paquetage pour le pas se le faire voler. C’était un paquetage d’affaires personnelles.

 

Voilà les débuts d’un gars qui part pour l’Algérie. Il y a pire, sûrement.

 

J’ai effectué au total 6 traversées, dont une en avion. J’ai toujours eu des paquebots. A part le premier qui était très sale et dont l’état ne s’est pas arrangé avec la tempête, les autres voyages se sont bien passés dans des conditions humaines correctes.

 

Les dernières traversées ont été formidables parce que comme j’étais maréchal des logis, j’avais un statut particulier qui m’a valu certaines aventures hors du commun.

 

Donc, chacun a son histoire.

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Chapitre 5 Il y avait trois manières de "Revenir" d'Algérie

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Certains sont revenus ,sains de corps, mais jamais d’esprit.

 

Un bon nombre  sont revenus malades physiquement (à ce moment-là, on ne parlait pas de maladie psychique, le traumatisme de guerre, dont tous souffraient, n’était pas reconnu) mais ils ne s’en rendaient pas compte !

 

D’autres, encore, sont revenus avec des séquelles physiques. (blessures très diverses, occasionnées par balles, éclats de grenades. Explosions diverses, par différentes sortes de mines, piégées et enterrées dans de nombreux lieux, indétectables, souvent.

 

Beaucoup ont demandé à recevoir la qualité de « combattant » . Mais les divers gouvernements nous ont refusé cet Honneur, jusqu'en 1974. *

 

C’est Jean-Jacques Servan Schreiber qui a fondé la première association d’anciens combattants, au Maroc, en Tunisie et en Algérie, vers 1955 ?

 

 Cette association a été cataloguée comme subversive, car d’appartenance communiste. Ils ont créé la FNAA  (fédération nationale des anciens d’Algérie), Celle-ci a changé d'appellation, lors de la refonte des statuts en : FNACA (fédération nationale des anciens combattants d’Afrique du Nord= Maroc, Tunisie et Algérie)

 

* Loi du 9 décembre 1974.

Ces anciens de Maroc et de Tunisie ont été, avec leur régiment respectif, transférés en Algérie. Ces « anciens » ont été choqués par les « événements » graves, bien différents de ce qu’ils avaient connu, aux Maroc et Tunisie, où ils n'avaient connu que peu de combats.

 

Arrivés en Algérie, ils durent faire face à des actions, similaires aux attentats survenus à Paris, récemment, puisque c’est la manières, aux Magrhébins, de faire la guerre. C’était une guerre de pièges, on ne savait pas où était l’ennemi : l’angoisse était permanente, le danger pouvait venir de partout, n’importe quand, par n'importe quelle manière et, surtout, par des personnes insoupçonnables (vieillards, femmes, enfants)

 

D’autant plus qu’ils portaient, tous, une djellaba, donc il était facile d’y dissimuler des armes, certains se déguisaient en femme, des enfants lançaient des grenades.

 

La guerre (rilla) était partout : pas de front, pas de champ de batailles, pas de tranchées. La guerre était dans la rue, dans les cafés, dans les salles de spectacles, etc, et ceci au milieu des civils. Pas de limites : la guerre allait même s’immiscer dans la vie quotidienne des enfants, en pleine ville. C’était une pieuvre « fantôme »

 

Lors des patrouilles en ville (Alger, pour moi), il fallait faire attention à tout. J’ai eu la chance de n’être jamais « accroché », en patrouille, à Alger. Mais certains ont été victimes. Le FLN respectait certaines unités, parce que les gradés les respectaient en tant que combattant.

 

Je fais allusion principalement à la cavalerie dans laquelle j'ai servi Dès que nous étions reconnus comme faisant partie de la cavalerie, les fellagas décrochaient. Ils se repliaient en bon ordre, avant que nous ayons pu les détecter. Mais cela s’est arrêté en 1961, et toutes les unités ont subli les embuscades, sans aucune restriction !

 

A chaque attentat, à chaque attaque, à chaque copain  blessé, ou tué, jamais nous n'avons eu, ensuite, un suivi psychique.

 

de 1954 à 1964 , des milliers de jeunes hommes, sont devenus des machines à tuer d'autres êtres, humains.

 

Les Algériens, en grand nombre, avaient eu la « mauvaise » pensée de vouloir prendre part, avec les gouvernants de la métropole française, au destin de leur pays, l'ALGERIE.

 

Mais comme cela leur a été refusé, un petit nombre, d’abord, se sont révoltés à la manière de leurs Ancêtres. Ils sont entrés en dissidence, et ils ont été catalogués comme des terroristes.

 

Le mouvement s’est militarisé et le FLN (front de libération national) puis l’ALN, (armée de libération nationale) ainsi qu'ont été créés. Cela se passait en octobre 1954.

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Chapitre 6 L’arrivée en Algérie

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Nous débarquons le 10 novembre 1958, et il nous est commandé de se mettre en trois colonnes, sur le quai immense. Devant nous, il y a une immense tente que, apparemment, nous devons traverser, de bout en bout.

 

Il y a 4 hommes, en blouse blanche, les uns à côté des autres, à l’intérieur de celle-ci. Un commandement se fait entendre : « première colonne, tout le monde tors nu ! »

 

« Deux pas, en avant, marche ! » Le premier gars avançait et se trouvait devant un infirmier qui, à son tour, ordonnais de lui tourner le dos !

 

Ensuite il badigeonnait le dos, ensuite, deux pas en avant et le deuxième infirmier plantait une aiguille sous l’omoplate, sans « douceur » ; puis, encore deux pas, et le troisième infirmier injectait un liquide, contenu dans une seringue d’une certaine grosseur. Enfin, le quatrième passait un coton sur l’endroit de la trace, de cette injection.

 

Quelques-uns, d’entre nous, après 25 h de voyage, tombaient dans « les pommes ». Mais j’ai tenu le coup lorsque cela a été mon tour !

 

Il nous a été révélé que ce traitement était contre la fièvre jaune, la jaunisse et autres maladies tropicales !!

 

Dès que nous étions rhabillés, et avoir récupéré notre valise, nous avons, ensuite, été dirigés vers des camions différents, et invités à y monter. Il nous a été, ensuite, ordonnés de ne pas bouger, et si nous entendions des tirs, de nous mettre à plat ventre au fond du camion.

 

Cela est arrivé une fois, avant notre départ ! Grosse panique, parmi nous !! mais il n’y a eu aucune suite, heureusement. Enfin, après une bonne heure, d’attente, sous un vif et chaud soleil, les camions partirent, les bâche complèteraient fermée ! L’air intérieur, y était irrespirable, c’est le premier exemple de ce qu’il nous attend !!

 

Au bout d’une heure, sans manger, sans boire, sous le soleil (parce qu’au mois de Novembre il y en avait), après les conditions de la mauvaise traversée, que nous avions subie, les camions stoppèrent. Nous avions atteint notre base d’instruction, pour y commencer à faire nos classes, afin de devenir un « bon » soldat.

 

Le camion étant toujours bâché nous ne voyions rien, ni ne sachions notre position ?

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Un quart d’heure, plus tard, nous entendons l’ordre de descendre, en silence, et en bon ordre ! Alors, brutalement, nous sommes passés du noir, à la lumière, sous un soleil brûlant. Nous avons été mis en rang, puis dirigés vers la cantine, (la popote), pour y recevoir les instructions, quant à la suite immédiate, qui allait nous être réservée.

 

Après avoir été contrôlés, concernant notre identité, et notre bonne affectation, nous avons été amenés devant les marabouts, grandes tentes, ayant 15 lits, avec un autre au dessus : soit 30 au total ! Là, notre installation s’est effectuée, en ordre, et en silence (maîtres mots, entendus de nombreuses fois, pendant les 4 mois de classes, qui suivirent)

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Il fallait apprendre le métier des armes dans un terrain hostile : nous étions dans un centre d’instruction de l’arme blindée cavalerie, d’Alger, qui se trouvait à qqs km, à l’est d’Alger, à côté de la commune de Fort de l'eau. (CIABCA)

Il y avait un grand terrain, appelé « la cote 30 », entre la mer, et la route, provenant d’Alger, vers Constantine. Nous allions nous y entraîner dans la campagne, près de la Méditerranée. Mais là, on pouvait tomber sur des membres, armés, de l’ALN ou du FLN. *

 

Donc, nous étions toujours armés, mais les 8 cartouches étaient entourées d’une bande, de toile, cousues.  Ces munitions étaient dans les sacoches, spéciales à cet usage, et fermées, Seuls les gradés étaient armés convenablement, et leur arme était approvisionnée.

 

Pendant un mois, nous avions l’interdiction de sortir. Lors des repas il était servi du vin, additionné avec du bromure, afin de calmer nos « ardeurs »de mâle. Lorsque nous avons enfin eu la permission de sortir, nous sommes tous allés au « bordel ».

 

Cela ne se passait pas en France, mais ce l’était là-bas, normalement. On allait vivre un moment de notre vie à « deux », suivant l’arriéré sexuel que nous avions emmagasiné, depuis notre incorporation. Le bromure ne nous avait plus été distribué, depuis la dernière semaine, avant la permission !

 

Par la suite, j’ai eu une vie très particulière parce que, dès mon arrivée, mon père m’a écrit pour me conseiller d’aller voir un Monsieur, « Untel », qui habitait à « tel endroit », dans un quartier périphérique, d’Alger.

 

C’était un policier, dont j’ai connu les enfants, au Mans, dans l’école primaire que j’avais fréquenté, tout jeune !

 

J’ai écrit à cette personne. La réponse m’est parvenue quelques jours, après, et a été positive. Il m’a donné rendez-vous à la cantine de la Police, située près du port. Après quelques instants de notre prise de connaissance, il m’a emmené chez lui.

 

Son épouse, et leur dernière fille, m’attendaient avec curiosité. Il m’a été offert un apéritif et j’ai été, rapidement, invité à rester à déjeuner. Je passe sur notre conversation, concernant mes parents, et ma vie, avant d’être incorporé.

 

Dans les mois, qui suivirent, lors de mes permissions, pendant tout le temps de ma présence, au Centre (8 mois). Alors, j’ai fréquenté leur dernière fille, avec qui un sentiment amoureux, s’était déclaré.

 

Cependant, je n’étais pas invité à toutes mes sorties, ce qui me permettais d’aller me « soulager » dans un établissement, célèbre, et connu par tous les militaires. Je respectais ma jeune amie, tout en évitant des écarts inadaptés. Je ne voulais pas perdre, en outre, le plaisir de changer de vie.

 

Les soldats, appartenant à la cavalerie, avec son calot, bleu-ciel, à fond jaune, étaient bien considérés par les autres armes. Si nous nous étions en danger, l’on criait « A moi la légion ! » ou « A moi la Marine » et nous étions, tout de suite, secouru.

 

J’ai passé des heures mémorables avec les légionnaires, et les gars de la marine.

 

Il fallait faire attention à tout, et à tous. La preuve : chacun faisait du stop, souvent accompagné d’un ou deux copains (nous étions inconscients, en 1858,) et sans arme. Lorsqu’un jour, un monsieur nous prend, a bord de sa belle voiture, et nous emmène sur le port d’Alger.

 

Pendant le trajet, l’on discute de ce que l’on fait, et de notre opinion sur tout, et surtout, sur nos conditions au Centre ! Mais nous ne répondions qu’avec circonspection, sans dévoiler de nos conditions de vie. Heureusement !

 

Lors de notre dépose au port, il nous annonce qu’il est le colonel de notre centre d’instruction. OUPS ! Il nous félicite de notre prudence, vis à vis d’un « étranger » (même européen!) Nous l’avions échappé belle !

 

J’ai fait mes 4 mois de classe puis, comme j’avais demandé à être sous-officier, j’ai passé deux mois de préparation pour être gradé. Au bout des deux mois, il m’a été signifié que j’étais bon en « Morse ».

 

Alors j’ai été orienté, dans cette spécialité, afin que je fasse deux mois de spécialité radio.

 

Ces deux mois étaient tranquilles, il n’y avait pas de garde à faire. Pendant des journées entières, j’apprenais à déchiffrer les exercices, particuliers, en morse, de plus en plus vite, de manière à ce qu’à la fin , je pouvais comprendre ce « langage » comme une langue courante.

 

Les « radios » étaient considérés, souvent des fadas, complètement déjantés, car nous ne nous « parlions » plus qu’en morse. Déjà, on commençait à avoir une mentalité particulière. « Ti-Ta-Ti »

 

* : ALN ; Armée de Libération Nationale, créé en 1954, qui a été le bras « armé » du

 

     FLN ; Front de Libération Nationale, parti politique créé pour obtenir l’indépendance du pays

 

 

Chapitre 7 Les entraînements

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Les 8 mois se passent avec des entraînements ; Ils étaient très durs parce que « l'armée » avait le droit à 7%, de morts, lors de ceux-ci.

 

Il fallait passer sur des ponts de « singes », il fallait passer sur les « pattes d’éléphants » implantées dans une grande piscine (des plots plus ou moins bien espacés, sur lesquels il fallait poser les pieds en courant, et en tirant sur une cible, à balles réelles).

 

Nous étions plusieurs à traverser la piscine, alors si l’un de nous perdait l’équilibre, il pouvait tirer sur les autres. Certains, les yeux rivés sur la cible, ont raté les plots, et se sont cassés un, ou des membres.

 

Il y avait, aussi, les tirs réels à raz de terre (30 cms), pendant lesquels il fallait avancer, en rampant dans la boue, alors que des balles passaient à quelques centimètres de notre tête. De plus, il fallait passer dans des « couloirs, formés avec des fils de fer, barbelés !

 

Bonjour les accrochages avec le treillis ! C’était, ensuite, du travail de couturière à faire, lors des temps de repos !

 

Après cela, nous n’avions qu’une demi-heure pour être tout propre, et nous changer, sans pouvoir passer sous une douche. On nous mettait la pression, au point où les instructeurs nous ont dit : « Quand vous serez dans le djebel, vous penserez à nous, les « peaux de vache » et vous tirerez sur les « Bou…les » sans réfléchir !

 

Il fallait avancer, en obéissant sans murmurer, au point que les gradés (des caporaux), se faisaient livrer le petit déjeuner au lit, et auxquels il fallait, aussi, leurs brosser les chaussures, et faire leur lit.

 

Tant que c’était demandé correctement, nous ne pouvions pas dire non, c’était ainsi. C’était des « brimades » légères que nous supportions malgré tout.

 

Mais un jour, un gradé a giflé un brave gars, un paysan qui était loin d’être obtus, mais qui était lent, pour la simple raison qu’il refusait de cirer ses chaussures.

 

Cela m’a mis hors de moi. Je me suis dirigé vers le brigadier, et lui ai  demandé comment il pouvait taper sur quelqu’un, sans aucun droit, et qui ne pouvait pas rendre les coups. Je lui ai proposé de taper sur quelqu’un, qui aurait la permission de répondre aux coups, loyalement, sur un ring, avec des gants de boxe, et je me suis proposé.

 

Les copains craignaient que mon insolence me mène, de suite, en prison. À l’époque, j’étais assez fortement constitué. Je m’entretenais, je faisais du sport, du vélo, du judo. J’étais donc bien entraîné, bien avant mon incorporation.

 

Le dit gradé m'a répondu OK, en affirmant qu'il allait me fermer ma grande gueule, car il ne me craignait pas ! Nous sommes, alors, partis à la salle de sport, accompagnés des copains, ayant reçu l’autorisation de mon « adversaire » !

 

Nous devions combattre en 12 rounds, avec arbitres, et soigneurs, qui étaient tous de mon groupe. Cependant, des gradés, engagés, étaient présents pour assurer la bonne correction (si j'ose dire) du combat.

 

Le combat a commencé, sous les cris, d'encouragements, des copains. Au bout du 6ème round, j’ai pu le faire saigner du pif, mais lui, il avait fait de la boxe. Il ne frappait pas le visage, mais me pilonnait les biceps, et l’abdomen.

 

Au moment où j’ai baissé la garde, il m’a mis un coup en plein visage, et j’ai compris ce que c’était d’entendre les « oiseaux » faire « cui-cui ».

 

C’est étonnant, car c’est indolore. Pourtant nous portions des gants de 8 onces, qui sont des gants de combat : je n’ai rien senti.

 

Lorsque je suis revenu à moi, on m’a dit d’aller prendre ma douche et prendre une permission le lendemain dimanche…Mais j’ai rappelé que le but du combat était de pouvoir répondre aux coups, qui avaient été donnés, sans raison, afin que les brimades cessent.

 

Alors le gradé, s’est excusé sommairement, près du dit copain. Les brimades assez particulières, ont cessé, ce qui m’a valu le respect des copains. Et pourtant, j’étais, dans la vie civile, un petit gars calme et, mis à part mes sports, j’étais un pacifique. Mais les brimades répétitives m’avaient révoltées.

 

Lorsque nous étions de repos, nous avions de la musique dans le camp ; une chanson revenait régulièrement. Elle était intitulée « My Way » ; et était chantée par un Américain, nommé Paul Anka.

 

Il y avait un bar, de grand taille, aussi dénommé « foyer-bar ».. Il fallait être vigilant afin que les anciens ne nous embrouillent pas, en cherchant à ce que nous leur payions, un coup à boire. Nous avions tout à apprendre, il fallait se méfier de tout, car ils étaient roublards ! Notre solde était très faible : 30 francs, anciens, par mois ; soit 4 ct, €, environ.

 

Lors d’un autre entraînement, nous lancions des grenades, et avions décidé, avec les copains, de garder un anneau de grenade, par mois. Avec ces anneaux, nous confectionnions une ceinture, et c’est à la vue de celle-ci, que nous savions si nous avions à faire à un ancien.

 

Le plus intéressant, c'étaient les permissions qui me permettaient d'aller visiter Alger, surnommée « la Blanche », en rapport avec les immeubles, et maisons, peintes en blanc.

 

Mais le danger a vite fait de me mettre en garde. En effet, J’étais allé m’acheter un portefeuille, dans la partie marchande, située dans la Casbah, à Alger. En partant du souk, avec mon achat, j’ai eu ma première expérience du danger, auquel chacun était exposé, le militaire, comme le civil demeurant dans ce pays. 

 

C’est à ce moment que le vendeur a fait l'objet d'un attentat, par jet de grenade offensive. Elle a explosé juste derrière moi, à une dizaine de mètres, sans qu’aucun éclat ne m'atteigne. J’avais été protégé par les piliers, soutenant les maisons, sises au-dessus des lieux.

Celui qui l'avait jeté a été, de suite, intercepté par deux européens, et emmené manu militari, dans un lieu inconnu.

 

Malheureusement, le commerçant n'a pas survécu à ses graves blessures. Moi, je l’ai échappé belle, et de plus c'était la première personne, sur la terre d'Afrique, à être tuée à proximité de moi

 

J'en avais déjà, vu lors de la guerre 39/45, au Mans, dans ma prime jeunesse : un soldat Français, et un officier Allemand !

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Chapitre 8  Tlemcen

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A la fin de mon séjour, au CIABCA, l’on m’a annoncé que j’avais réussi mon concours, de gradé, et que j’allais être nommé brigadier, lorsque je serais incorporé dans le régiment, dans lequel j’allais être affecté : Le 2ème Régiment des Chasseurs, d’Afrique (2ème RCA basé à TLEMCEN)

 

Les copains avaient déjà été dispatchés dans le djebel. On m’a donc envoyé en « Oranie » , dans les montagnes tlemcéniennes, en juillet 1959. J’y suis arrivé après les péripéties, ci-après.

 

Le 11 juillet, J’ai pris la direction d’Oran, avec des dossiers : le mien, et celui de 3 appelés, dont on m’avait confié la responsabilité, pendant le voyage. D’Alger jusqu’à Oran, j’avais ces 3 gars avec moi, qui venaient de finir leurs 4 mois, de classes, et que je ne connaissais pas ! Pour eux, j’étais un ancien et ils devaient m’obéir !

 

Nous étions armés d’un fusil MAS 36, avec 4 cartouches, chacun ! Celles-ci étaient scellées dans un étui toilé. L’ordre était impératif : Il ne fallait l’ouvrir qu’en cas d’extrême urgence ! Sinon, il fallait écrire le compte-rendu, du pourquoi, et du comment, avec des preuves irréfutables ! Sinon, il y avait une punition, sévère, avec un mois de geôle, au minimum !

 

Heureusement, l’on a fait le voyage sans incident, à bord du train dont le surnom est connu, par tous les bidasses, qui l’ont emprunté. J’ai nommé « l’Inox » !  C’était un vieux train, tout bringuebalant, à qui il arrivait de dérailler, surtout dans les courbes !

 

Arrivés à la gare d’Oran, de très belle architecture, nous avons été pris en charge à bord d’un camion, GMC, ainsi que d’autres militaires. Nous avons été amenés au camp de rassemblement, qui m’avait été désigné, accompagné de mes 3 gaillards.

 

Son nom était le DIM Eckmühl. C’était un centre d’accueil pour dispatcher, ensuite, tous les militaires circulant en Oranie, vers les lieux où ils étaient cantonnés, ou incorporés.

 

Tous, proviennent de leur bases, régimentaires, pour se diriger, soit en Métropoles (permissions), soit dans un autre régiment. C’était un vaste centre de tri, plus grand que le tristement célèbre, de Marseille : Sainte Marthe !

 

Après, il y a tous ceux qui reviennent de permissions, ou de missions, soit tout seul, ou en petits groupes, comme le mien !

 

Donc, dès notre arrivée, en provenance de la gare d’Oran, et à bord d’un camion « GMC », après un trajet de 5 kms, environ, nous sommes accueillis. Aussitôt, l’on nous demande nos armes, un simple fusil type « MAS 36 », ainsi que la pochette, contenant les cartouches.

 

Le sergent, armurier, vérifie aussitôt, avec une grande attention, que l’enveloppe, les contenant, est toujours intacte ! Mais également si l’arme n’aurait pas servie, en tirant des munitions, frauduleusement récupérées ?

 

Puis, sur ordre du chef de poste, je me dirige vers le bureau d’accueil, réservé à des soldats de mon « acabit ». La, j’y suis reçu par un adjudant-chef, qui m’apprend que je vais être transféré, par le train, jusqu’à Tlemcen, dans 2 jours. Je lui donne également le dossier personnel, de mes 3 compagnons, de route, dont je n’ai jamais entendu parler, par la suite.

 

Pendant ce « séjour », logé, nourri et lavé, corporellement, et du fait que je suis « gradé, en devenir », j’ai été désigné pour faire des gardes, dans ce camp, OUPS ! C’était le commencement réel, de mon nouveau « métier ». Ma mémoire ne se souvient pas du nombre ? Peu importe !

 

Cependant, hors de ces fonctions, je pouvais sortir quand je le voudrais, dans Oran, avec la permission, adéquate, en poche. J’ai donc passé mon séjour impeccablement, sans histoire. Je suis allé me balader sur le port, et dans la belle ville, d’Oran.

 

Malheureusement, n’ayant pas d’appareil photos, en ce temps-là, je n’ai pas de souvenirs. Mais je me suis rattrapé, par la suite, lors de mes autres séjours (8 passages) et lors de ma permission, libérable, 1 mois avant la « quille ».

 

Mon séjour, terminé, avec les félicitations du responsable, de ce centre d’accueil, j’ai été amené, en jeep, avec 2 autres partants, également dans le bled, pour prendre le train en direction du sud.

 

Comme tous, j’étais équipé d’un nouveau fusil, avec 10 cartouches. Celui avec lequel j’étais arrivé, repartait à Alger, parce qu’il était numéroté à l’armurerie du C.I.A.B.C.A.

 

C’était, aussi, un fusil MAS36, le bon vieux « compagnon » datant de 1936. Je me suis posé, une fois, une question spéciale : j’avais imaginé qu’une de ces armes avait, peut-être, passée dans les mains, de mon père, ou d’un de ses frères. Ils avaient, tous, été appelés lors des 2 grandes guerres ?

 

Tous avaient été des acteurs, sacrifiés, lors de celles-ci ! Naturellement, la réponse ne m’a jamais été donnée ! Et pour cause, les registres devaient avoir disparus depuis longtemps !

 

Après quelques heures, Le train s’est arrêté à Sidi-Bel-Abbès, car la voie de chemin, de fer, était piégée. Il a fallu descendre, et marcher sur le côté, pendant que le train passait, après la mise en sécurité des explosifs, artisanaux, qui avaient été enlevés par des appelés, étant devenus des démineurs. Hélas ! Quelques-uns ont été tués lors de ce genre de travail, extrêmement dangereux.

 

Il faut expliquer que chaque train avait, accroché devant la locomotive, un wagon rempli de sacs de sable, pour que ce soit lui qui explose le premier. En ce temps-là, il n’y avait pas de minuterie, pour faire exploser l’engin. Les bombes étaient, vraiment, des bombes artisanales, mais qui faisaient mal lorsque ce qu’elles comportaient, à l’intérieur, se dispersaient lors de l’explosion.

 

La suite du voyage s’est passé sans aucun autre incident, et je suis descendu dans la gare de Tlemcen. J’étais le seul, sans quiconque sous ma responsabilité. À ce moment, un maréchal des logis (sergent dans l’infanterie) attendait mon arrivée, et m’a pris en charge.

 

Il m’a amené à la base arrière, du deuxième Régiment des Chasseurs d’Afrique, dans lequel j’allais être affecté, (toujours dans la cavalerie blindée). Là, après un accueil assez froid, je me rends près du gradé qui va assumer ma courte existence, dans les lieux où je vais vivre. 

 

J’y ai passé deux jours tranquilles, et j’allais me promener dans Tlemcen. Je l’ai, par la suite, visité presque de fond en comble, sauf la Médina, quartier exclusif de la communauté arabe.

 

 Seules, deux heures de garde m’ont été attribuées, à la fin de la dernière journée. Celles-ci, terminées, l’on m’apprend que je dois aller rejoindre le 2ème escadron, dans les montagnes, situé à 1 500m d’altitude, à Sebdou, distant d’une trentaine de kilomètres.

 

Donc, réattribution d’un nouveau « vieux » MAS, et de 20 cartouches. La route y menant, étant très peu sûr, et sujette à des embuscades ! J’entrais, de plein pied, dans la « guerre » invisible.

Un ancien, avec qui je suis sorti dans la ville, m’a appris que cet escadron, disciplinaire, venait d’être nommé, en tant que nouveau commando de chasse, où l’esprit était très différent, paraît-il ?

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Il avait hérité du numéro 127, car il était le 7ème nommé, dans la 12ème région militaire, en Algérie, depuis que le Général CHALLES, les avait créés.

 

Leurs missions étaient de faire des opérations de recherches, d’abord, puis de renseignements sur les groupes (katibas) que nous détections, et à la limite, de destruction en cas d’urgence.

 

Sinon, il devait ramener toutes personnes, se trouvant en état de suspicion de terrorisme, dans tout son secteur, pour le remettre à l’officier, commandant le 2ème bureau.

 

Il y en avait un, de présent, dans les régiments se trouvant en interception, Il les réceptionnait, pour les interroger d’une façon, m’a-t-on dit. Très musclée. Un certain nombre de ces prisonniers, étaient décédés, lors de ces interrogatoires

 

Ensuite, le gradé, en question, faisait état du « bilan » concernant les prisonniers, les morts dans les deux camps et, aussi des armes, et des documents saisis. Enfin, toutes ces données étaient transmises à l’État-Major général, de l’Oranie.

 

Donc, ce commando se devait d’être invisible pour l’ALN ! Nous nous déplacions de jour, lors de la période la plus chaude, de la journée, ce qui était très pénible, car presque toujours à pied. Mais, surtout, de nuit, et lorsque vous marchiez dans un sentier, à flanc de montagne, sans aucun éclairage autre que, éventuellement, la lune ; lorsque le lendemain, vous voyiez où vous étiez passés, Il y avait au moins 500m, de vide, alors vous ressentiez un long frisson, de peur, passer le long de votre échine !

 

C’est, donc, dans cet escadron, que j’ai vécu pendant les 18 mois qui me séparaient, de la « quille ». Cependant, je ne le savais pas encore, car les appelés ne devaient faire « que » 18 mois, de régiment ! Cela m’amenait, alors, en mai 1959 ! Que nenni !! Il y eu 2 « rallonges » à effectuer jusqu’à ma libération, complète.

 

Alors, en milieu de l’après-midi du 13 juillet, 1959, je montais dans un nouveau GMC, accompagné de plusieurs autres soldats. Ils étaient engagés et appelés, assis sur les deux bancs, en bois, placés au milieu du sens, longitudinal, du plateau. Les bâches étaient relevées sur tout le pourtour, ce qui permettait de bien voir le paysage, mais aussi de sauter à terre, lors d’une embuscade.

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Chacun rejoignait leur escadron, qui était situé dans divers communes, existantes tout au long de la célèbre Nationale 22. SEDOU ; EL ARICHA ; EL AOUEDJ ! Noms évocateurs et très arabisants !

 

La montée, assez raide par endroits, vers mes futurs quartiers, s’est déroulée sans incident. La route était bordée de rochers, sur notre droite, et d’un précipice profond, de l’autre côté. Mon camion faisait parti d’un convoi, composé d’un véhicule blindé, à l’avant. C’était un half-track.

 

Un 2ème fermait la colonne, constituée de 3 GMC, 2 jeeps, et 1 ambulance. Cette dernière convoyait des militaires, sortant de l’hôpital, après y avoir effectué un « séjour », plus ou moins long (blessures diverses, maladies, etc.) Je ne savais pas que j’en serait « l’hôte », à plusieurs reprises, en 1960/61. Ceci est une autre histoire, lointaine.

 

Cependant, pendant que je me trouvais dans cet escadron, particulier, Il n’y a pas eu d’accident, ni d’attaques par les soldats du FLN.  Seul un incident s’est produit. J’en parlerais par la suite !

 

Je suis arrivé complètement épuisé, et par le voyage, mais par la chaleur intense, qui régnait ce jour-là ! Étant seul à rejoindre, en tant que nouveau, je me suis présenté au poste de garde, de mon unité. Le gradé m’a immédiatement amené au bureau de l’officier commandant celle-ci.

 

Je passe sur l’aspect administratif, puis sur mon emménagement au sein du peloton, où j’étais affecté. Seulement, je suis passé voir le fourrier, chargé de distribuer tout l’habillement, très particulier aux militaires, d’un commando de chasse.

 

À savoir : la tenue de sortie, veste et pantalon en drap, de laine, de couleur marron. La chemine, de sortie, était de couleur grise. Ensuite, une cravate, beige clair, était fournie, accompagnée du bonnet de police, appelé calot, de couleur bleu foncé, avec un fond jaune. Il y avait les épaulettes, puis les divers accessoires permettant, à une autre personne, de reconnaître notre unité.

 

Ensuite, j’ai perçu un « treillis », en toile kaki, composé d’un pantalon de couleur uni, et d’une veste   bariolée de diverses formes, et couleurs. Elle était appelée veste « léopard », dont tous les commandos, existant en Algérie, en étaient détenteurs !

 

Puis Il y avait les rangers, neuves, en cuir souple, accompagnées d’une paire de pataugas, en toile, avec sa semelle en caoutchouc. La dernière paire de chaussures, était noire et de bonne facture. C’était les chaussures de sortie, à porter avec l’uniforme.

 

Enfin, le linge de corps (maillot de corps, appelé « Marcel », avec un caleçon « américain », style short blanc, avec une ouverture sur le devant) était complété par 2 paires de chaussettes kaki, montantes.

 

Tous cet habillement devait être plié, puis rangé dans un grand sac fait, marron, nommé sac marin. L’ensemble, bien plié, et rangé selon un ordre précis, allait être retiré du sac, afin de le ranger dans le placard, se trouvant à côté de notre lit.

 

Donc, tout ceci étant fait, et ma présence bien enregistrée, j’ai commencé une nouvelle aventure au milieu d’individus Français, et Algériens (plus nombreux que nous dont certains, étaient des Fellaghas « repentis »). J’ai commencé cette vie sans en connaître les règles précises, ni comment se comporter.

 

Légalement, tous les appelés incorporés dans cette unité, spéciale, auraient dû effectuer un stage spécifique, sur 2 mois. Je n’en ai jamais entendu parler, donc mis dans le bain de cette vie de « chasseurs » d’êtres humains, afin de les empêcher d’obtenir ce qu’ils voulaient. « Leur indépendance » !

 

Cette unité, spéciale, patrouillait dans les montagnes, jusqu’au Maroc. Il y avait une frontière, bardée de fil de fer barbelés, appelé « le réseau », située 15 km avant, pour la délimiter de celle de l’Algérie. Il y avait, donc, un « No Man’s land », entre les deux frontières. Personne, à part les patrouilles d’unités militaires, françaises, ne devaient s’y trouver !

 

De loin, nous voyions une ville du Maroc, très connue, dans laquelle tous les Fellaghas allaient, et venaient, et dans laquelle les avions, venant de Chine, arrivaient et apportaient des armes.

 

Nous avions l’ordre de tirer, à vue, et sans sommation, si quelqu’un s’y trouvait, sans que notre « patron » (officier commandant le groupe), n’en ait été informé, Donc pas de prisonnier à garder.

Nous ne nous déplacions pas toujours à pied, mais assez souvent, soit, en Hélicoptère, soit en camion. On nous faisait sauter de l’engin, en silence, et de nuit.

 

Cela se passait, toujours, dans un lieu connu uniquement par le « Pacha, de ses 4 officiers, commandant un peloton, et de moi-même, le radiotélégraphiste, mais, aussi, responsable du peloton de commandement (5 soldats, et un brigadier) ! Chacun ayant une carte, d’état-major, du secteur, à sa disposition.

 

J’étais arrivé à être nommé brigadier, en septembre 1959, en accédant au peloton de commandement, par le fait de ma nomination particulière, de chef de la station radio.

 

J’y effectuais, avec un soldat plus jeune, le travail d’écoute, et d’envoi, des différents messages provenant du haut commandement. Puis sur le terrain, je portais le poste radio, en plus de mes affaires personnelles, afin d’être à portée de l’officier responsable du commando.

 

Je devais me trouver derrière lui, afin de lui signaler tous les messages que j’entendais, spécifique à notre présence dans le djébel.

 

De plus, au bout d’un certain laps de temps, l’officier nous donnait l’ordre de s’arrêter dans un lieu, qui lui avait été spécifié. Là nous nous camouflions dans le décor, et nous faisions silence. Chacun observait tous les mouvements pouvant se produire aux environs, de notre position. À ce moment précis, je mettais le casque radio, ce qui me permettait d’entendre les appels, mais sans qu’ils ne s’entendent par quiconque.

 

Ensuite l’ordre était donné soit de continuer notre progression, vers un autre endroit, soit de faire demi-tour pour rejoindre nos camions, dans un lieu déjà précisé aux chauffeurs. Ensuite nous rentrions au cantonnement, ou très souvent, nous étions amenés à une cinquantaine de kilomètres, du premier arrêt.

 

Par la suite, les camions repartaient à notre base, et nous commencions à installer un bivouac, pour un temps indéterminé. Notre officier n’en ayant donné le nécessaire, qu’aux officiers chargés de commander un peloton. Soit une 25 bonshommes.

 

La nuit venue, nous dormions tout habillés. Si nous partions une semaine, c’était sans pouvoir se laver. L’eau que nous avions, servait à boire, mais lorsque celle-ci, potable, était bue, nous nous rabattions sur les rares sources, dont le contenu n’était pas très recommandable, pour la boisson, humaine.

 

Cela m’a causé, au cours de ma présence, en Algérie, la dysenterie amibienne. Ce liquide était pollué par des animaux, crevés, et des insectes, de toutes sortes (moustiques, par exemple)

 

Cependant la soif était difficile à contrôler et nous passions ce breuvage, à l’aide du maillot de corps, propre, la 1ère fois, que nous avions en réserve, dans notre sac. (Entre autres)

 

Lors des nuits, où nous ne devions pas bouger du lieu où nous étions, en embuscade, nous dormions à deux, dans une tente. Chacun avait deux triangles, formant une demi-toile. Celle-ci était reliée, par des solides boutons, en métal, avec celle du co-équipier.

 

Nous avions aussi un mulet, très intelligent, qui permettait de porter ce qui était trop lourd, le matériel radio, et le lance-grenades, par exemple. Il avait été prénommé Francis, dès sa première sortie, en véhicules.

 

Chapitre 9  Le barda

 

J’avais un poste-radio de 15 kg. (L’ANGRC9), porté par le mulet, et c’est avec lui que Je devais écouter, toujours la radio, et communiquer, en morse, pour vérifier à chaque arrêt, s’il n’y avait pas  eu un appel. Je devais envoyer un signal, particulier, aux autres éventuelles patrouilles « crapahutant » dans les environs. Nous devions, ainsi signaler notre présence aux autres « troupes », et nous identifier de façon à ne pas risquer de se tirer les uns, sur les autres. La radio servant uniquement pour les contacts entre chaque officier, au commando, ne couvrait qu’un périmètre restreint. J’en portais un et je faisais la liaison, entre chacun, avec le Patron.

 

Le FLN avait les mêmes postes de fréquence que nous et parfois, nous communiquions avec eux ou ils interceptaient nos communications. Afin de déjouer leur surveillance, nous changions de fréquence régulièrement. Les fréquences, sur lesquelles nous devions communiquer, étaient déterminées à l’avance. Les hommes du FLN ne pouvaient les trouver, que par hasard, en cherchant longtemps, celles sur lesquelles nous communiquions. Il y avait un système de brouillage mais il restait insuffisant.

 

Dans notre tenue, le chapeau de brousse était indispensable. Aux pieds, nous n’avions pas les rangers, mais les Pataugas. C’était des chaussures formidables. L’inconvénient est qu’elles laissaient des empreintes, très reconnaissables, aussi, et « l’ennemi » nous suivait à la trace.

 

Seulement, le FLN avait aussi des Pataugas. Alors, nous les suivions donc, aussi, à la trace. Nous étions devenus des vrais pisteurs mais, nous étions fortement aidés par nos harkis. Ils avaient un odorat, développé, qui leur suffisait à détecter les odeurs, particulières, laissées par ceux que nous « chassions ».

 

Nous avions une Djellaba et, lorsque nous détections qu’il y avait du monde, nous l’enfilions. Pour nous différencier, nous avions un foulard d’une couleur précise. Nous changions de couleur de foulard, en permanence, selon un planning déterminé à l’avance.

 

C’était une guerre de « pièges » ou de nombreuses ruses consistaient à se fondre dans la masse, à ne plus être identifiable, à ressembler à l’ennemi, alors que lui aussi faisait son possible, pour porter les mêmes vêtements que nous.

 

Chacun se déguisait avec les mêmes artifices que l’autre et afin de lui ressembler, il fallait utiliser des codes, et en changer constamment. Nous étions devenus des « caméléons » !

 

Nous avons, également, appris à nous déplacer silencieusement, à marcher « comme un tigre ». Parfois l’ennemi passait juste à côté de nous, mais nous devions le laisser filer parce qu’il était attendu plus loin. Nous n’étions pas assez nombreux pour nous opposer à eux. Il fallait se fondre dans le décor, demeurer invisible et silencieux.

 

Il nous était interdit de porter les insignes, de nos grades, afin de ne pas être repérés. Ni de signes distinctifs à notre appartenance.

Chapitre 10   La vie d’un appelé.

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Je me suis intégré rapidement, à cette vie pleine d’imprévus, aussi dangereux que joyeux, qui rythmaient ma vie de militaire. Il fallait gérer tout un ensemble de fonctions, primaires mains, également, directement liées avec la situation, très conflictuelle à tous les niveaux.

 

Il y avait tous les us et coutumes, liés au « métier » de soldat, appelé, tels que les rassemblements de la troupe, sur la place d’appel, avec la cérémonie de la montée, et de la descente, des couleurs. Mais, avant, il fallait se rendre dans le bâtiment spécifique, pour y faire notre toilette, avant de s’habiller en fonction de l’évènement qui allait s’en suivre.

 

Une fois que le rassemblement était terminé, chacun rejoignait son groupe afin d’y effectuer ce qu’il avait été prévu, réglementairement. Naturellement, cela ne se passait que lorsque le commando était mis en « repos », après chaque opération dans la région.

 

Il y avait, donc, comme activités, les exercices de démontages, remontages après nettoyage, de chaque arme en possession de chaque personne. C’est à dire un fusil, et un pistolet-mitrailleur, avec leurs chargeurs de cartouches, pour les hommes non gradés.

 

Ensuite, en plus, chaque sous-officier avait une carabine US -M1, légère et précise, à la place du vieux fusil. Il percevait un pistolet, automatique, MAC 45, d’un calibre de 11,43 m/m. Le tout pesait, environ 4 kl, plus sa gaine et son harnachement.

 

Enfin, chaque individu avait perçu soit des grenades défensives, soit offensives, selon sa fonction, dans son groupe. Personnellement, j’en portais six offensives, placées comme suit :

 

Une, dans chaque poche, de poitrine, de la veste, et deux, dans celles du pantalon, situées de chaque côté des cuisses. Nous savions tous que notre vie ne tenait qu’à un fil, si par malheur un bon tireur, « ennemi », arrivait à toucher l’une d’entre-elle, avec une balle.

 

Également, cette dernière pouvait être, « perdue » de sa cible première, et en continuant son chemin, venir faire exploser la grenade. Ce genre « d’accident » ne s’est jamais produit pendant ma présence.

 

Maintenant, entre toutes les manœuvres, liées à l’armée, il y avait l’entretien de notre habillement, à assurer, afin de rester toujours impeccable, et présentable. Le lavage de chaque pièce de lingerie, se faisait dans des conditions précaires, et dans un lieu en plein air.

 

Été, comme hiver, nous devions être sans reproche car, sinon, les corvées diverses, et autres punitions, spécifiques à toutes les armées, du monde, nous étaient réservées.

 

Enfin ! Il restait la question du système pileux, qui était particulièrement la source d’un plaisir, sadique, pour les officiers, et sous-officiers, supérieurs.

 

La longueur des cheveux devait être très courte. Au maximum, elle ne devait pas dépasser l’épaisseur d’une petite boîte d’allumettes, posée sur le crâne. Celle-ci était de 1 cm.

 

La barbe était strictement interdite, à tous, engagés, comme appelés, gradés ou non ! Quant à la moustache, elle n’avait qu’une seule obligation, être propre. Il y en avait de toutes sortes : fines, moyennes, avec pointes, ou sans pointes, à la commissure des lèvres.

 

Enfin, il y avait celles, dont les grognards de l’empire Napoléonien, portaient avec fierté. Elle était grosse, avec les longues pointes, s’allongeant toutes droites, ou en « guidon » de vélo de course, de chaque côté de la bouche de son porteur.

 

Mais, ce que nous recherchions, avec application, était le fameux sésame pour aller à TLEMCEN, en permission. Nous pouvions y acheter ce dont nous ne trouvions pas au foyer-bar, de l’escadron, mais aller au cinéma situé au cœur du quartier européen.

 

Enfin, un grand nombre, d’entre-nous, se rendait dans le lieu consacré à nos besoins sexuels, longuement refoulés. Cela remontait le moral des troupes, enfin de ceux qui les composaient. Tout était réglementé quant à l’hygiène dans ces lieux de plaisirs, humains.

 

Il nous était strictement interdit d’avoir des contacts, autres qu’amicaux, avec quelque jeune fille, ou femme, de quelque communauté soient-elles ! Il y avait de nombreuses raisons, aussi dangereuses les unes, que les autres, pour chaque militaire Français.

 

Voilà, grosso-modo, l’environnement dans lequel je louvoyais, en mon temps de jeunesse. Aucun soutien psychologique n’était prodigué, après chaque opération, surtout avec des actions de feu, très particulières dans ce contexte de guerre, fratricide.

 

Quant aux divers problèmes de santé, graves, nous étions suivis soit par le personnel de l’infirmerie de garnison, sis près de notre cantonnement à SEBDOU, soit à l’hôpital de TLEMCEN, où j’ai été l’hôte par deux fois, dans une des nombreuses chambres, communes, lorsque j’ai contracté la dysenterie amibienne.

 

Les « bobos » courants, étaient pris en charge par l’infirmier, du commando, placé sous mon commandement. Il était le seul à exercer sa profession qui, souvent, avait été apprise après ses 4 mois de classe.

Lorsqu’il était absent, et selon la nécessité d’être soigné correctement, chaque individu se rendait à l’infirmerie de garnison, dès qu’un rendez-vous lui était donné.

 

Malheureusement, il arrivait souvent, que cela était impossible. Une opération de ratissage venait d’être déclenchée, et le rendez-vous était annulé. Ce genre de contre-temps a eu, parfois, des suites plus graves.

 

Elles étaient soit dentaires, avec abcès ou kystes (j’en sais quelque chose !), soit infectieuses, pour blessure légère, non soignée, et négligée par force !

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Chapitre 11   Brigadier « Schmoll »

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Après avoir été nommé au grade de brigadier, j’ai eu la responsabilité, complète, pour gérer la station de radio, et du poste téléphonique, du commando. J’ai remplacé celui qui venait d’avoir la quille, et j’étais aidé dans les diverses activités, spécifiques à ce poste, par un jeune appelé titulaire des diplômes, d’une gradation inférieure aux miens.

 

Celui qui, lorsque le commando était parti en chasse, restait dans la station radio, avait de nombreuses tâches à y effectuer. Elles allaient de l’entretien succinct des postes radio, portables, laissés pour ce faire (au moins 2). Sinon, ils étaient amenés à l’atelier régimentaire, de SEBDOU, à proximité de l’état-major de l’escadron.

 

Il y avait ceux, spécifiques, pour la transmission en morse, qui servaient à l’écoute du commando, pour l’un, et de l’État-Major, pour l’autre. Il fallait, aussi, mettre en charge les batteries des petits postes, portables, des divers types employés dans l’armée.

 

Entre-temps, il fallait dispatcher les appels téléphoniques, qui parvenaient sur le central dédié à cet effet. Mais pendant toutes ces obligations, il y avait la plus secrète à effectuer, surtout en fin de mois, ou sur ordre du haut commandement.

 

C’était tous les codes, secrets, à mettre à jours, ou à changer inopinément, très rapidement. C’était une vraie sinécure, pour laquelle j’ai toujours eu un faible positif. J’aimais ce genre de travail, très cérébral, mais qui me paraissait comme un jeu, dont la clé n’était connue que par quelques initiés !

 

En outre, l’accès de la station radio n’était donnée que par moi, ou mon équipier. Il n’y avait que le commandant, du commando, qui pouvait y pénétrer après m’avoir décliné le mot, de passe, établi spécifiquement.

 

En effet, il aurait pu y être contraint par un, ou plusieurs fellaghas, qui l’auraient pris en otage, s’ils avaient réussi à pénétrer dans le cantonnement. Cela ne pouvait être faisable qu’à partir d’un lieu, particulier, de celui-ci. Ce dernier ne pouvait pas être sécurisé, entièrement, pour des raisons qui ne m’ont jamais été données !

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Chapitre 12   Les opérations en terrain « ennemi »

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Depuis la date, de mon intégration dans le commando 127, jusqu’à la fin de l’année 1959, les opérations de ratissage, pour la recherche, et l’élimination des combattants de l’ALN, se poursuivaient à un rythme de 3 sorties, par mois, sauf besoins particuliers.

 

Ces sorties duraient de 3 jours, à une semaine complète, le plus souvent, entre-coupées de quelques jours de « repos », jusqu’à une semaine maximum. Cela se faisait de jour, comme de nuit, et par tous les temps que la météo, des lieux, nous réservait !

 

Par + 50°, jusqu’à – 15°, été comme hiver, printemps, comme automne, nous crapahutions par monts, et par vaux. Nous dormions dans n’importe quels endroits, et dans des positions impossibles à croire, par toute personne, normalement constituée.

 

J’ai dormi, avec les copains, dans les rochers tapissant un oued (rivière), dans lequel  il nous a fallu déguerpir en pleine nuit, avec armes et bagages, le tout dans un silence complet, et très rapidement.

 

Un orage, violent, avait eu lieu 3 à 4 km en amont, de notre position, et la pluie a rempli rapidement le lit de cet oued qui, lors de notre installation, était complètement sec ! Cela nous a valu de changer de position, car nous avions pu être détectés par des éventuels éclaireurs, ennemis ?

 

Alors, une fois rassemblés, et comptés, pour savoir si l’escadron était au complet, nous nous sommes déplacés vers un autre lieu, que notre officier, principal, avait en réserve. Comme le problème s’était passé vers minuit, nous avons reconstitué un autre campement, mais dans un endroit éloigné du lit de cet oued et, surtout, au-dessus.

 

Il y a eu, également, un « campement » où nous avons dormi à flanc de montagne. Nous avions accroché notre sac de couchage, commando, entouré d’un filet noir, que chacun avait accroché à une saillie rocheuse, d’une 20taine de centimètres.

 

Chacun s’est faufilé dans ce nid « d’hirondelle », avec précaution, et avec une forte angoisse ! Il a été impossible de faire une photo, par quiconque d’entre-nous ! Je le regrette profondément, car cela a été notre seul campement, aussi étrange à l’époque, qu’un être humain pouvait créer ! (Incroyable, mais vrais)

 

J’avoue, sincèrement, que les rares moments d’endormissement, inconscients, qui me sont arrivés, ne compenseront jamais les moments, d’angoisse, relatifs à l’éventuelle rupture d’une portion de la fixation, rudimentaire, de mon couchage.

 

Lors de notre reprise, « normale, de la position plus solidaire, au sol, nous étions dans un état de fatigue mentale, autant que physique ! Mais cependant, la vie a continué à s’écouler dans ce genre de contexte, « animalier » !

 

En hiver, alors que la couche de neige atteignait, souvent, un mètre, nous dormions dans un trou, que nous faisions avec notre pelle, pliable, et nous nous enroulions dans notre demie-tente, en toile camouflée, comme notre veste. Nous étions entièrement habillés, et gardions nos chaussures pour éviter les engelures !

 

Nous nous mettions au plus près des arbustes, poussant sur le lieu de notre bivouac. De ce fait, surtout les nuits de pleine lune, bien éclairante, nous nous fondions dans le décor. Nous étions devenus de parfaits caméléons, pour survivre, mais pour être efficaces dans notre mission, surtout, et sans se poser de questions tendancieuses.

 

Je n’ai jamais entendu un compagnon se plaindre, malgré les conditions corporelles, psychiques, et physiques, que nous avions vécues. Celui qui ne pouvait pas suivre ces contraintes, était désarmé, et il était laissé à l’arrière de notre colonne, avec le strict minimum pour sa survie.

 

J’en ai été le témoin, par 2 fois, et ces amis, que je côtoyais parfois par le fait de ma position, de responsable du peloton, de commandement, ont eu le sursaut salvateur, afin de suivre, le groupe, de son peloton, dans une grande souffrance, totale.

 

 

 

 

 

 

À SUIVRE

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