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Récits d'appelés page 1

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Titre 6
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Récits page 1

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Jean Tardieu

Pierre Broggini

André Debruyne

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Récits page 3

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Jean Vidalenc

Pierre Naudet

Récits spage 2

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Philippe Dumoulin

Daniel Durand

Récits page 4

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Gilbert Soulet

 récit de Jean Tardieu , dont son parcours militaire en tant qu'appelé, ainsi que ses photos, figure en page 2 de mes « photos souvenirs ».

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Sans nous connaître, chacun à notre place, proche l'un de l'autre, dans notre compagnie respective du 2-94eRI, nous vécûmes tous deux avec nos camarades d'infortune, l'opération du 18 avril 1957 dans le djebel du Tizourès. Malgré les années qui nous séparent de ces souvenirs douloureux, ils restent pour tous deux gravés dans notre mémoire.

Jean apporte son témoignage, concernant cette l'opération, que de mon côté je relate dans mon livre.

Jean Tardieu est preneur de tous témoignages qui lui permettraient de recouper ses souvenirs.

 


18 avril 1957:
En pleine nuit, à 3h 40, les 1ère et 3ème sections, avec le Capitaine Vandais, embarquent dans les camions, direction Chélia, Sraourit, à la poursuite d'une bande de rebelles. D'autres unités sont déjà sur le terrain.
Nous avons un premier accrochage avec les Hors-la-loi, mais une partie de la katiba (compagnie) adverse a pu s'échapper masquée par les forêts de cèdres, chênes verts et pins d’Alep qui couvrent les flancs du Djebel Chélia.


Nous reprenons les véhicules et repassons par Médina. On nous débarque dans le Djebel Tizourès, en limites de notre secteur. Nous progressons vers le nord dans une zone boisée, pas trop dense. Des balles sifflent haut dans les branchages ou claquent au-dessus de nos têtes. On commence à se faire petits. Mes gars se planquent derrière les troncs. Je marque la pose attendant les ordres (et pas pressé de participer au casse pipe!).


Arrive le Commandant Coudurier qui me gueule « Qu'est-ce que vous foutez là ? Allez en avant ! ». Je fais signe à mes gars de me suivre. Quand nous sommes hors de la vue du c.....d galonné, j'abrite ma section au pied de la falaise et j'attends les consignes du Capitaine. Je n'ai pas envie d'envoyer mes gars (et moi-même) se faire tuer dans une guerre perdue d'avance, pour la "gloire" et les primes d'une ganache bornée!
Donc, nous sommes au pied d'une barrière rocheuse de 3 à 5 m de haut, orientée au sud. Les rebelles occupent le haut de cette falaise et son versant boisé. Un thalweg à la végétation touffue descend côté nord. Rares sont les brèches qui permettent de se hisser sur la crête.


Nous avons un appui aérien. Deux Ouragans venus de Télergma tournoient quelques instants mais la configuration du terrain limitant leurs ressources (piqué suivi d'une remontée) ils ne sont pas d'un grand secours et s'en retournent. Heureusement 2 T6 déboulent en trombe, moteurs rugissants, au ras des cimes. C'est bon pour le moral!


Grâce à nos SCR 300, ils nous préviennent qu'ils vont attaquer le faîte de la falaise à la roquette. De mon emplacement, je peux jeter un œil par une anfractuosité. Dans un vacarme d'enfer, un T6 pique vers nous, impressionnant! J'ai juste le temps de voir le jet de flammes du départ de la première roquette. Instinctivement, je rentre la tête dans les épaules. Un bruit assourdissant, une gerbe de pierrailles au-dessus du casque! Plaqué au sol, je sens la terre vibrer. À peine le temps de se ressaisir que la deuxième roquette explose...Combien en ont-ils tirées? Combien de passages en strafing, à la 12,7? Je ne peux m'empêcher de penser: «Qu'est-ce qu'ils dégustent au-dessus!» Cependant l'intervention fut courte car l'ennemi répliquaitt à la mitrailleuse, doum, doum, doum, sur les avions, les obligeant à prendre leurs distances. 

*J'ai oublié ! avais-je un casque ou un chapeau de brousse ? Aucuns souvenirs !


Rapport du Capitaine Vandais:(les remarques en italique sont personnelles) 
«À 13h 30, la 8ème compagnie, en arrière-garde du PC bataillon, reçoit l'ordre de se porter en avant et de déborder la résistance rebelle par le sud de la falaise. La 5ème compagnie (Lieutenant Venel de Bouhamar) était à ce moment au contact à l'ouest de la position rebelle.
Le Sergent-chef Tritz reçoit l'ordre de se porter à hauteur du PC de la 5ème, suivi du groupe de commandement de l'unité (soit le groupe Vandais).
Afin d'éviter un entassement sous la falaise, ordre est donné à l'Aspirant Tardieu de se porter à hauteur du PC bataillon et de le flanquer à l'ouest.
Le peloton Venel reste en réserve.


Après reconnaissance, la 3ème de Tritz, le PC de compagnie et la 1ère (Tardieu) sont poussés le long de la falaise où se trouve une section de la 5ème compagnie qui est doublée.
Une première faille d'accès difficile est trouvée par le S/C Tritz qui reçoit l'ordre de grimper sur la falaise et d'effectuer une reconnaissance. Il découvre des emplacements rebelles au pied d'arbres touffus, à 30m (chaque emplacement légèrement creusé, au pied d'un arbre, est bordé d'une sorte de muret fait de grosses pierres, le tout couvert de branchages fraîchement coupés).
Ordre lui est donné de créer une diversion par ses armes automatiques, le lancement de grenades s'avérant difficile dès le début par suite de la disposition judicieuse des emplacements de combat.


Le C/C Guillot, chef de pièce, réussit à franchir l'arête rocheuse, mais immédiatement repéré, il est pris à partie (sac à dos traversé par 2 balles, appareil photo brisé). En suivant la falaise, le Sergent Dubuis trouve un autre passage pour avancer de 3 m. Il peut intervenir avec un FM permettant le franchissement de l'arête aux soldats Caillet et Le Guelte. Ce dernier voit le chargeur de son 24/29 traversé par une balle. Puis le Sergent Melchior ouvre le feu à son tour et permet au Sergent Dubuis d'avancer de quelques mètres. Le Sergent Charby réussit avec 2 voltigeurs à progresser vers un trou de roquette. Le S/C Tritz et le soldat Loisy prennent pied au sommet de la falaise.


À 15h, le Sergent Melchior est touché d'une balle dans la cuisse puis le Sergent Charby dans la cage thoracique. Le Sergent Dubuis abat le tireur de PM rebelle. Le S/C Tritz se rend compte qu'il ne peut progresser et assure la protection de ses blessés.
Pendant ce temps, la 1ère section avait poursuivi sa progression le long de la falaise et l'Aspirant Tardieu avait découvert une faille d'accès plus facile. S'y installant, il prend à partie de nouveaux emplacements rebelles échelonnés de 30 à 50 m.


Ordre est donné au peloton Venel de rejoindre. En attendant, une diversion supplémentaire est créée par le Sergent Créantor, le C/C Gilbert et le soldat Sauvé de la Commandement qui escaladent la falaise et se portent à 30 m du PC. Un feu violent les accueille, une dizaine d'emplacements rebelles étant orientés vers l'Est.
Le peloton Venel rejoint, mais il est impossible de le faire intervenir, seuls quelques hommes accèdent au sommet de la falaise.
Pendant plusieurs minutes le feu est très violent: 18 grenades sont lancées par la section de l'Aspirant Tardieu. Puis les emplacements adverses sont tirés à la grenade à fusil en tir direct (J'ai assuré en personne plusieurs de ces tirs. J'ai aussi cru un moment avoir été touché au niveau des reins par un tir opposé, mais en fait ce n'était que des éclats de roche provoqués par une rafale ennemie. J'ai rarement autant fait corps avec notre mère, la terre! Je tirais au jugé car je n'arrivais pas à vraiment localiser mes adversaires).


La position de la 3ème section étant devenue délicate, ordre est donné à la 1ère section (Tardieu) de passer à l'abordage, sous l'appui feu des FM actionnés par le commandant d'unité légèrement blessé à cet instant. (Le Capitaine m'a dit: «Tardieu, Tritz a des blessés qu'il faut dégager. Il faut donner l'assaut. Je vous appuie avec les 2 FM et quand les tirs cessent vous foncez». Je n'ai pas hésité et pourtant je ne suis pas particulièrement courageux, je me suis levé et j'ai couru vers les emplacements repérés, en espérant que mes gars me suivraient. En fait, c'est le Capitaine qui les a stimulés! Machinalement, j'ai placé la crosse de ma carabine M15 à hauteur de mon ventre. Un rebelle a surgi d'un buisson dix mètres devant moi. Avec Gabiay sur ma gauche, on a tiré d'instinct, en même temps. L'homme a fait comme un saut, un gigantesque roulé-boulé dans la mort. Je me suis retourné, j'ai fait signe à Martin, en arrière, sur ma droite:«Allez-y, on vous couvre»! Les autres sont arrivés et tout de suite j'ai poursuivi dans le thalweg, dans une végétation épaisse. Mais (dois-je dire heureusement) les rebelles étaient déjà loin. Nous avons juste trouvé le trépied de la mitrailleuse Lewis.)
Les deux derniers nids de résistance sont annihilés dans les minutes suivantes. La 1ère section (Tardieu) est immédiatement poussée dans le thalweg où décrochent les rebelles». Fin du rapport.

*Ce n'est pas une question de courage. On est pris par l'ambiance. comme officier, on est sous le regard des autres. Alors on y va, sans réfléchir (si on réfléchit, on n'y va pas !)


Les hommes grièvement touchés sont évacués par hélicoptère. Malgré notre intervention Charby ne survivra.
L'un de nos blessés faillit provoquer un drame à Batna. Alors que les infirmiers le transportaient rapidement en salle d'opération, une grenade est tombée d'une poche de son treillis, roulant, sans exploser, sur le carrelage de l'hôpital.
Bilan: (établi par le capitaine à notre échelon)
? Ennemis: 6 tués + 2 découverts le lendemain. 1 PM 9 m/m, 1 Mauser, 1 Lebel, 1 Stati, 1 trépied de mitrailleuse Lewis, 1 mousqueton, 1 fusil de chasse, 6 grenades F1, munitions diversess...
? Amis: 2 tués + 1 qui mourra dans les jours suivants; 4 blessés.
Le Sergent Charby était un enfant de l'Assistance Publique. Le Capitaine nous fit lire la lettre émouvante qu’il écrivit à sa mère adoptive. Cette dame, de ses mains, prépara un gâteau qu'elle nous envoya en souvenir de son fils. Dans un silence recueilli, tous les gradés du Poste eurent leur part comme une hostie dédiée au sacrifice de leur camarade.

 

Voici ce que m'a écrit Michel Bousignière qui a connu Guy Charby :

" Tu parles du sergent Charby, je le connaissais également. Il était à Nancy avant mon départ pour l'Algérie dans les transmissions à la Casene Blandan. j'étais tout surpris de le voir arriver avec le convoi de ravitaillement à Baïou, au début de l'année 1957 au PC de commandement. Nous ayant reconnu avec quelques camarades, il était très content de trouver quelques connaissances et de pouvoir discuter un peu avec nous. Ce qui le préoccupait avant tout, c'était de connaître nos activités, et si nous ne courrions pas trop de risques. Je ne me souvenais plus de son affectation à Aïn-Tinn. Il s'agissait d'un garçon très posé et très sympathique de qui je garde également un bon souvenir. "


Je repense souvent au jeune Charby que je n'ai pu, que nous n'avons pu sauver.
Je pense aussi à ce jeune rebelle, ce jeune fellagha, cet enfant des Aurès. J'ai conservé un chargeur de sa carabine, une Stati italienne avec laquelle il me tirait dessus. La moitié des cartouches sont percutées mais les balles ne sont pas parties. Ce sont des munitions qui dataient de la campagne d'Afrique des armées italiennes en 1942.
Il portait une tenue militaire kaki, comme les nôtres, mais n'avait pas de coiffure. Lui, avait une vraie raison de se battre pour l'indépendance du pays qui l'avait vu naître. Quel gâchis!
À la compagnie, nous avions aussi un blessé léger, le Sergent Melchior, et le Capitaine avec son éraflure au menton, la balle n'ayant pas voulu lui fracasser la mâchoire!
Pour la nuit, nous sommes restés groupés près des véhicules.
19 avril 1957:
Nous avons maintenu le bouclage du Tizourès après une nuit fraîche passée sur le terrain. Puis, pour ratisser soigneusement le thalweg, nous avançons sur une même ligne en battant chaque buisson, en écartant les branchages. Nous repassons sur les lieux du combat de la veille. Les compagnons du jeune moudjahidine l'avaient enterré discrètement et sommairement profitant de l’obscurité pour observer les préceptes de l'Islam, mais les bêtes s'étaient déjà attaquées au cadavre dont les orteils décharnés jusqu’à l’os se dressaient comme un reproche! 
20 avril 1957:
7h 30, la 1ère section avec un groupe de 11 hommes sous les ordres de l'Aspirant Tardieu se met en protection au-dessus du Poste.
Le Capitaine et un détachement de la 2ème section se rendent à Batna pour les obsèques du Sergent Charby.
À leur retour, nous rejoignons le Poste. Il est 13h.

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Au moment où je m'apprêtais à mettre en ligne une nouvelle page 14, regroupant des photos du 17ème BCP sous l'onglet « Photos souvenirs », un de mes ami me faisait parvenir le récit d'un Ancien du 17ème BCP trouvé sur le net.
Curieuse coïncidence, car l'Auteur raconte son arrivée au Poste d'El-Hadjajd en 1957, Poste que la 5ème Cie du 94ème RI, dont je faisais parti, quittait pour le Poste de Médina. Puis sa Cie quitte le Poste d'El-Hadjadj pour celui de Médina au moment où la 5ème Cie du 94RI se regroupe à Baïou au Poste de Commandement pour devenir Cie d'intervention rapide.

L'auteur, raconte ses impressions et sa découverte des lieux à son arrivée dans ces Postes, et y relate les différentes descriptions semblables à celles que moi-même j'en ai faites dans mon livre lors de notre arrivée.

Biographie de Mr Pierre Broggini

par LES VOIVRES 88240  -  30 Janvier 2015,

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Au 1er mars 57, je reçois ma nouvelle affectation : 17ème bataillon de chasseurs à pied en garnison à Arris (Aurès, Algérie), sans famille. Je dois le rejoindre immédiatement. Après avoir passé mes consignes de gestion du foyer, je quitte le 1er BCP, à destination de Marseille pour embarquer sur le paquebot Ville d’Alger, ce paquebot que je retrouve 10 ans après.

ALGÉRIE

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17ème BATAILLON DE CHASSEURS À PIED

Je débarque à Alger, Alger la blanche, ville qui ne m’est pas inconnue, la ville aux milles facettes avec sa rue d’Isly, son monument aux morts, sa grande poste à la façade orientale, sa place du gouvernement, ses brasseries dont les tables sont occupées par les algérois, génération pied-noir… Je n’ai pas l’impression que ce pays est en conflit ! Mais ce n’est pas mon point de chute, adieu Alger !

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Je rejoins Batna par voie ferrée via Constantine. La base arrière du 17ème BCP est cantonnée dans une ferme dont les propriétaires sont d’origine italienne, un des fils, chauffeur routier de son état, vient d’être égorgé par les fellaghas. C’est ma première vision de ce qui s’appelle "maintien de l’ordre" en Algérie. Je profite de la navette pour me rendre à Arris, ville distante d’une cinquantaine de kilomètres, avec d’autres sous officiers, désignés pour servir dans les Aurès, le pays des chaouia, ce sont des berbères aurésiens très attachés à leur terre et pratiquant un dialecte. Le convoi est fortement protégé par des automitrailleuses, notre arrivée au camp Cardinal à Arris est saluée par les chasseurs avides de nouvelles de France.

Je fais connaissance du 17ème BCP, un bataillon articulé en quatre compagnies, implantées aux alentours d’Arris et une compagnie de commandement logée sur place. Le chef de bataillon m’annonce ma nouvelle destination : 2ème compagnie basée à El Hadjedj, à peu de distance d’Arris. Je rejoins cette compagnie installée dans un ancien village composé de mechta et d’une mosquée, situé sur un glacis, dominé par une ligne de crête, comme le sont la plupart des postes en Algérie, ce qui permet aux fellaghas de nous harceler dès la tombée de la nuit.

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La plus imposante mechta du lieu appartient à Mustapha Ben Boulaïd, transporteur local, assurant la ligne de car entre Arris et Batna qui est entré en dissidence à la suite de la suppression de sa licence par l’administration. Une grave erreur commise par un commis d’État ne connaissant rien aux habitudes locales, à savoir que la France n’était pas généreusement représentée dans cette région montagneuse. Selon des informations, il a participé à l’assassinat d’un instituteur dans les gorges d’El Kantara sur la RN3, le 1er novembre 1954. Ben Boulaid aurait été interné, nous n’en savons pas plus.

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La compagnie est commandée par un lieutenant et je suis son adjoint. J’ai en charge le service général du poste, la préparation des opérations, le ravitaillement quotidien en eau et surtout la gestion d’un mortier de 120m/m, seule arme lourde du poste. L’eau de consommation et de toilette est puisée dans l’oued situé en fond de gorge, ce qui nécessite une mise en œuvre de personnel armé sous ma responsabilité. Il faut, en effet, assurer la protection des hommes de corvée, du véhicule et sa citerne afin de palier les tirs éventuels des fellaghas, car ils sont renseignés sur nos activités et nos déplacements.

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J’ai à peine deux mois de présence à la 2ème compagnie, que le chef de corp

s me mute à la 3ème compagnie qui tient poste à Djermane Médina, au pied du djebel Chélia à mon grand désespoir. La raison de cette mutation ? Et bien : le capitaine commandant cette compagnie et son adjoint, un adjudant-chef sont deux passionnés de poker, ce que le commandement devait ignorer, il en a résulté des négligences dans le commandement de la compagnie et l’organisation des opérations. Ce capitaine et son adjoint ont été aussitôt rapatriés sur décision de l’autorité militaire. Ce qui leur a été également reproché, c’est le fait qu’une section commandée par un aspirant, chargée d’assurer une ouverture de route pour permettre le passage de véhicules s’est heurtée à un barrage érigé par les fellaghas. Le chef de section et cinq chasseurs ont été mis hors de combat par les balles de l’adversaire. C’était une ouverture de route de routine alors qu’il aurait fallu en modifier le parcours. Les chasseurs rescapés de cette embuscade ont été traumatisés … on n’a pas dépêché de psychologues (sic) pour les revigorer …

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Dans ce poste, j’exerce les fonctions d’adjoint au nouveau commandant de compagnie, un lieutenant, et celles de chef de la section de commandement. Le poste est un ensemble de bâtiments en dur, formant un quadrilatère, construit par la Légion sur un promontoire, naturellement dominé par une ligne de crête. Un mirador a été aménagé à chaque angle, ce qui nécessite une charge importante pour les gardes. La compagnie, soit une centaine d’hommes, comprend quatre sections de combat dont trois, commandées par des aspirants. Une partie de l’effectif des chasseurs, qui sont tous des appelés, est originaire de la région bordelaise, le reste provient du recrutement algérois, c’est-à-dire des Français de souche nord africaine dont nous avons à nous méfier. Ils sont susceptibles de nous trahir, c’est arrivé à Pasteur !!

Le poste comprend les éléments de vie : cuisine avec réfectoire, magasin d’armes et de munitions, foyer du chasseur, bureau administratif, popote des cadres avec sa propre cuisine et un infirmier. La différence que je ressens par rapport au conflit précédent est le fait qu’en Indochine, nous étions très mobiles, alors qu’ici, nous sommes statiques. Le poste est doté d’un char Shermann immobilisé, laissé par la Légion, dont le canon de 76/2 est utilisable, doté d’un lot important de munitions et d’un mortier de 120m/m géré par un aspirant. À l’écart du poste, un bâtiment de construction récente abrite la section spéciale administrative (SAS), commandée par un lieutenant disposant d’un secrétariat et d’un médecin aspirant. Cet officier SAS est un véritable chef d’entreprise. A cet effet, il dispose d’un contingent d’ouvriers locaux occupés à construire des bâtisses pour loger des familles regroupées, issues des zones interdites. Il a fait aménager une baraque Fillod destinée à l’école du regroupement. Les cours primaires sont dispensés par un appelé FSNA de notre compagnie.

La vie dans ce village s’écoule paisiblement, le président de la délégation spéciale Mohamed, frère du chef de la harka, avec lequel j’entretiens de très bonnes relations, tente d’attirer les quelques vieillards du lieu au café maure. À environ un kilomètre, une harka, commandée par le sergent-chef Ahmed, disposant d’une vingtaine de harkis, est installée dans une ancienne ferme aux ordres de notre lieutenant, commandant d’armes, pour la partie opérationnelle et par l’officier SAS, pour la partie administrative. Chaque mois, un hélicoptère apporte les fonds nécessaires au paiement des ouvriers et des harkis. Ainsi va la vie de cette petite garnison.

Le ravitaillement de la compagnie est assuré par l’intendance militaire de Batna où il faut s’y rendre par liaison routière, ce qui nécessite une mise en place d’éléments de protection avec de multiples changements sur l’itinéraire. Les patrouilles de nuit sont au programme, elles sont la hantise des chasseurs, car il faut se déplacer sans bruit sur des sentiers où toute rencontre avec les moudjahiddines n’est pas exclue. J’organise et participe à ces reconnaissances nocturnes avec six chasseurs et c’est au retour de l’une d’elles que le chasseur Berthet est blessé à une jambe par une sentinelle ayant pris peur à l’annonce du mot de passe. Ce mot était obligatoire pour entrer dans le poste de nuit. Un garçon que nous avons fait évacuer le lendemain matin en raison de la gravité de ses blessures. Le commandement m’a demandé de rédiger un compte-rendu de circonstance pour la suite de l’enquête.

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Les sites remarquables constituant notre environnement sont le massif du Chélia, truffé d’observatoires aménagés par les moudjahidines, l’ancienne mine d’Ichmoul, qui recèle quelques galeries servant de caches, la chaîne du Zélatou, comportant d’importantes anfractuosités, la forêt impénétrable de Bou Hamama, abritant des réserves d’armes et de munitions pour les moudjahidines, selon les renseignements. Il y a aussi le village d’Inourissen, situé à la limite de la zone interdite dont tous les hommes sont au maquis, un village plus que suspect.

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Nous sommes à la disposition de l’état-major d’Arris, appelé secteur. C’est le colonel, commandant cet endroit qui décide des opérations inter unités à mener dans le secteur, en fonction des renseignements obtenus par le 2ème bureau. Ces opérations, utiles ou inutiles, se déroulent périodiquement dans l’oued Abdi, l’oued el Abiod, la région de Mchounèche, sur les pentes du Chélia, sur les lignes de crête de la chaîne du Zélatou, des endroits vus et revus sans beaucoup de succès. Il faut avouer que les moudjahiddines sont informés sur nos mouvements.

C’est au cours d’une opération, qu’un de nos sous-officiers, en légitime défense, a abattu un civil qui n’était autre qu’un commandant des moudjahiddines. Il avait revêtu une djellabah par-dessus sa tenue d’officier de l’ALN, il venait de rejoindre son unité et le comble, il avait profité de notre convoi de ravitaillement pour rejoindre son affectation, à l’insu du chef de convoi ! Nous avions des faiblesses, on transportait des civils sans en contrôler l’identité et quand bien même que nous l’aurions fait, nous aurions été trompés, ils étaient futés. Nous n’avions pas le droit de fouiller les femmes rencontrées au cours d’opérations, alors qu’elles étaient complices des fellaghas. Notre poste est constamment harcelé, nous ne répondons pas par les armes automatiques, ce serait des tirs inutiles, les moudjahiddines ont des emplacements bien définis que nous avons repérés lors de reconnaissances. Aussi, lors de harcèlements, j’ai ordre de tirer deux ou trois obus à partir du char.

Dès mon arrivée à la compagnie, je me suis familiarisé avec cette pièce d’artillerie, à la demande de mon commandant de compagnie. Non seulement, je devais repérer la ligne de crête nous dominant, mais aussi des sites environnants que les moudjahidines sont susceptibles de fréquenter la nuit comme le col de Tisougarine, entre le Chélia et le Zélatou, la pente sud du Chélia à portée de canon, l’entrée du village d’Inourissen, par exemple. Pour standardiser mes tirs, j’ai réalisé un tableau d’abaques dont l’utilité s’est révélée géniale lors d’interventions nocturnes, tout en procédant au réglage des fusées d’obus afin de les faire éclater à quatre mètres du sol pour provoquer une dispersion des éclats.

C’est ce qui est arrivé à l’entrée d’Inourissen, j’avais ordre de tirer deux obus à trois heures du matin. À sept heures, un gamin se présente au poste pour nous signaler que sa mère avait été blessée par un éclat d’obus, visible à hauteur des reins. Aussitôt, un hélicoptère est demandé et deux sections, une en protection, l’autre en action sanitaire avec le médecin de la SAS, se rendent sur place pour récupérer la personne blessée. L’hélicoptère se pose à l’entrée du village, elle est évacuée sur l’hôpital de Batna, finalement, tout s’est bien passé.

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Quelques jours après un hélicoptère se pose à proximité du poste, ce sont deux gendarmes qui viennent procéder à une enquête afin de déterminer les causes de cette blessure contractée loin de sa mechta. Que faisait-elle dans la nature à trois heures du matin ? Les gendarmes nous ont appris que cette femme avait trois fils fellaghas, ils sont repartis à leur base avec les renseignements nécessaires à l’enquête. En conclusion, les gendarmes ont bénéficié d’un hélicoptère pour venir de Batna faire une enquête tout à fait banale, voilà une anomalie flagrante d’erreur du commandement.

Je n’aurai pas la langue de bois pour ce qui s’est passé dans notre poste en 1957. Un mercredi matin, un caporal manque au rassemblement, ses camarades de chambre me signalent que ce petit gradé a été perturbé toute la nuit. Je lui rends visite, il a le visage convulsé par la souffrance. J’alerte mon lieutenant qui sollicite le médecin aspirant de la SAS. Ce dernier est hésitant pour établir un diagnostic, l’hospitalisation est souhaitable. La demande d’un hélicoptère, par radio, est acceptée dans la mesure où l’appareil sera disponible. Selon le commandement du secteur, pas question d’organiser un convoi pour l’évacuer par la route. Ce garçon souffre terriblement, nous le veillons jour et nuit. Enfin le dimanche matin, l’hélicoptère est annoncé, quel soulagement pour tous. Hélas, à l’arrivée à Batna, ce garçon a décédé en cours de transport. On ne connaîtra jamais la cause de ce décès. Quel paradoxe ! Batna disposait d’un hélicoptère pour évacuer la femme musulmane blessée d’un éclat d’obus, ce fut rapide mais évacuer un militaire malade, ça pouvait attendre. Le colonel, commandant le secteur d’Arris disposait, cependant, d’un hélicoptère pour assurer des évacuations, mais il était surtout utilisé pour aller à Batna chercher la presse et des pains de glace … Qui a renseigné ? Le pilote lui-même.

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En juillet 1959, nous participons à une opération dont le but est d’explorer le massif du Chélia, couvert de majestueux cèdres. Des renforts de fantassins sont amenés par camions et par hélicoptères jusqu’au pied de cette montagne dont le sommet culmine à 2328 mètres. Aussitôt des tentes sont installées pour permettre au colonel et son état-major de diriger l’opération comprenant plusieurs unités de parachutistes, de cavaliers et de fantassins. Nous crapahutons côte à côte. Nous avons découvert un camp de vie, bien organisé, mais abandonné. Quelques postes de combat aménagés sur les pentes de cette montagne ont été détruits. En somme, il y a eu beaucoup d’agitation pour un maigre butin. Le plus grave est le résultat humain : en décrochant, une section a mis le feu dans les hautes herbes sèches du versant est, ne sachant pas qu’une section était encore en amont de leur position. Les hélicoptères, venus de Télergma, pour participer à l’opération, sont repartis à leur base avec, selon les informations, une quarantaine de fantassins morts par asphyxie consécutive aux fumées. Ces fumées que nous regardions, avec une certaine satisfaction depuis notre base de départ sans savoir qu’un drame se jouait sur ce versant. Ces morts ont certainement été comptabilisés dans la catégorie des morts au combat.

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Je citerai aussi trois graves accidents de notre secteur. Tout d’abord, un hélicoptère, en repérage le long d’une falaise s’est crashé et s’est consumé au sol, les six occupants ont été rayés des contrôles avec parmi eux, un officier supérieur originaire de Saint-Dié qui participait au déplacement. Ensuite un camion GMC, qui se rendait à Constantine ayant à son bord des chasseurs libérables par anticipation en raison de leur charge de famille, a basculé dans un ravin, provoquant la mort de six d’entre eux, ces vaillants appelés avaient fait tout leur séjour sans une égratignure. Et peu de temps avant que la compagnie ne s’installe à Djermane, six légionnaires venaient de quitter ce poste à bord d’un half-track, lorsqu’une mine télécommandée, placée sur la route de Aïn Taga a détruit hommes et véhicule. Certes, des morts inutiles et il faut signaler qu’à cette époque, il n’y avait pas de caméras pour filmer ces drames, c’était le top secret !! aujourd‘hui, dès qu’il y a un chien écrasé sur la route, une nuée de photographes et caméramen se ruent sur les lieux de l’accident.

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Et des morts, il y en a des deux côtés. Un matin, nous partions en opération toujours par le même mode de transport, des camions d’un groupe de transport. Le convoi stoppe, le chef de convoi vient de découvrir, depuis la tourelle de son auto mitrailleuse, des cadavres revêtus de djellabah, gisant sur le bord de la route, exposés au soleil. Nous les dénombrons, il y en a vingt-trois, ce sont des hommes âgés, nous remarquons que des douilles de 9m/m jonchent le sol. La gendarmerie de Batna est prévenue par radio, elle est chargée d’ouvrir une enquête, nous ne sommes pas en guerre mais en maintien de l’ordre. Que s’est-il passé ? Nous ne le saurons jamais.

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Les relèves se succèdent, les séjours de nos chasseurs arrivent à leur terme, pas de cérémonie lors de leur départ, un simple adieu et bonne chance dans le civil. D’autres arrivent, ils sont aussitôt confrontés aux activités quotidiennes, pour les cadres, tout est à recommencer.

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En mai 1958, nous sommes dans l’ère de la pacification, c’est tout d’abord un émissaire du général Challe qui vient faire un sondage sur le moral de la compagnie et des habitants de Djermane. Ensuite recevons ordre de regrouper ces habitants à proximité du poste afin qu’ils écoutent la bonne parole dispensée par des officiers supérieurs venus d’Alger. Ces chaouia comprenaient-ils le sens de l’appel qu’on leur faisait sur le thème de l’Algérie française ? Était-il assorti d’avantages ? J’en doute, leur vie était réglée pour produire quelques céréales et élever un maigre bétail... Avions-nous l’espoir de voir naître une Algérie française ? En 1958 oui, en 1959, non, en raison des pourparlers engagés entre le F.L.N. et la délégation française.

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En juin 1959, je décide de me présenter au concours pour accéder au corps des sous-officiers du service des travaux du génie, en vue de me spécialiser dans la branche bâtiment, car ce n’est pas en servant dans les corps de troupe que l’on acquiert une spécialité du secteur privé. En août, je suis convoqué à la caserne d’Orléans à Alger pour subir les épreuves du concours, épreuves réussies.

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L’adjudant Pierre Broggini rejoindra l’École Supérieure Technique du Génie, Rue de l’Indépendance Américaine à Versailles, le 1er octobre 1959. Tel est le message radio que je reçois à la compagnie. Je suis satisfait de la réussite à ce concours, je ne regretterai pas de quitter ce bourbier algérien où les bandes de moudjahidines, en provenance de la Tunisie sont de mieux en mieux instruites et armées. Le massif des Aurès est un point de passage obligé pour ces rebelles du F.LN, (Front de Libération Nationale). Mais les opérations continuent !

Dont une que je n’ai pas oubliée, c’est une rencontre avec des bandes dissidentes, qui crapahutent sous la bannière du MNA, (Mouvement National Algérien) en se réclamant de Messali Hadj. Cet érudit algérien a créé en 1937 le parti populaire algérien mais lorsque le comité révolutionnaire pour l’unité et l’action a déclenché les hostilités le 1er novembre 1954, Messali s’est trouvé en marge du mouvement algérien de libération nationale. Néanmoins, il avait ses partisans qui ont été liquidés par l’armée algérienne de libération nationale.

Un soir également, nous avons assisté à une rencontre sanglante entre une bande FLN et une MNA, à vue d’oeil de notre poste. C’était fantasmagorique à regarder les balles traceuses de part et d’autre, et pas question de faire intervenir l’aviation. Le lendemain matin, nous avons effectué une reconnaissance sur place, des étuis de balles jonchent le sol et d’abondantes traces de sang ont laissé supposer qu’il y avait eu des morts et des blessés. Quelques jours après, nous apprenons que la 4ème compagnie de notre bataillon a tendu une embuscade à une section de jeunes algériens en partance en Tunisie pour subir un entraînement, bien encadrée par des fellaghas. La bande a été anéantie, ce fut une victoire pour les chasseurs qui ont joué sur l’effet de surprise.

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Depuis le rassemblement de 1958, la "pacification" suit son cours, une unité du génie est venue pour construire une piste forestière aux environs de Djermane dont l’usage peut prêter à confusion ? À quoi va-t-elle servir ? À rien bien entendu. C’est une décision du commandement, il n’y a pas lieu d’épiloguer.

Enfin, en 1959, nous participons à une opération de ratissage, héliportée, sur la chaîne du Zélatou. En soirée le bouclage est terminé, les fellaghas sont pris au piège, telle est l’information émanant du poste de commandement. La nuit ne nous permettant pas d’agir, le bouclage reprend à l’aube, le terrain est vierge de tout adversaire, ils ont profité de la nuit pour s’enfuir, tout le monde est stupéfait ! C’est un coup d’épée dans l’eau.

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En résumé, si des unités peuvent s’enorgueillir d’afficher des bons scores en matière de mise hors de combat de l’adversaire, ce n’est pas le cas de ma compagnie, hormis l’arrestation de quelques suspects, interrogés avec ménagement et remis au deuxième bureau. Ce qui me surprend aujourd’hui, ce sont les déclarations que font les ex-appelés aux journalistes, dans certaines émissions de télévision. Ils auraient participé quotidiennement à des séances de torture voire à des pelotons d’exécution.

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Mon séjour se termine, je dois me rendre à Aïn Taga au PC du bataillon, nouvellement installé, pour y accomplir des formalités administratives. Je me souviens des paroles élogieuses qui m’ont été adressées par mon chef de corps pour les actions que j’avais menées à la compagnie en ma qualité d’adjoint. J’étais payé pour ce travail (sic). "Et pourquoi avez-vous décidé de quitter le corps des chasseurs pour entrer au service du génie ?", me demande-t-il. Je n’ai pas mémoire de ma réponse. Si je reviens en Algérie, ce sera dans le service des travaux et non plus dans un bataillon de chasseurs à pied (sic).

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ÉCOLE SUPÉRIEURE TECHNIQUE DU GÉNIE VERSAILLES

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1er octobre 1959 : je suis admis à l’E.S.T.G. à Versailles. Quel changement avec la vie au poste de Djermane !

J’avoue, au départ, avoir regretté mon choix car je n’étais pas préparé à un rythme scolaire. Les cours sont dispensés dans deux amphithéâtres selon les matières, chaque jour de huit à douze heures et de quatorze à dix huit heures, sauf le samedi, la matinée étant réservée à la composition hebdomadaire, quatre heures à sécher sur les feuilles que nous distribuent les répétiteurs. Sans oublier les cours de mathématiques le matin de 7 à 8 heures, deux fois par semaine. À noter que les professeurs sont très compétents et compréhensifs, nous sommes tous des chefs de famille

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C’est un régime de potache qui se termine le 31 mars 1960 par l’obtention d’un diplôme de surveillant de travaux suivi d’un amphi garnison où chaque élève, selon son classement, choisi une direction de travaux.

Les premiers privilégient l’Allemagne, ensuite le Sud de la France. Classé trente sixième sur cent vingt, j’opte pour la direction des travaux de Strasbourg, les meilleures directions ayant déjà été dotées.

À les entendre, les élèves évitent l’Est de la France et Paris, mais en fin de tableau, les moins bons n’ont plus le choix, ils sont affectés aux directions en attente de surveillants.

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ARRONDISSEMENT DES TRAVAUX DU GÉNIE DE MULHOUSE

ET SECTEUR DE COLMAR

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Après avoir été reçu par le colonel Directeur des Travaux de Strasbourg, je rejoins ma nouvelle affectation à l’arrondissement des travaux du génie de Mulhouse où règne une ambiance mi-figue, mi-raisin, des personnels civils, des piliers bien ancrés, nantis de prérogatives consécutives à leur longue carrière effectuée dans le même bâtiment. Le bureau de la Place m’attribue un logement militaire, ce qui permet à ma famille de s’y installer.

Et je débute mes nouvelles fonctions sur un chantier important, ordre de grandeur : quatre millions de francs, à Habsheim. Il s’agit de réaliser une base destinée à recevoir une unité de l’aviation légère de l’Armée de terre, ALAT. Le terrain est vierge de toute construction. Un capitaine est chef de chantier, je suis son adjoint, chargé d’effectuer les attachements de tréfonds, la surveillance des travaux de construction des différents bâtiments : administratifs, sécurité, logement des hommes du rang, la surveillance du montage de hangars Sarrade et Galtier, en provenance d’Algérie en éléments détachés soit plus de trois cents tonnes de poutrelles, portes monumentales, tôles de toiture, etc. C’est sur ce chantier que j’ai appris à rédiger les ordres de service provisoires sur manifold.

C’est un plein emploi, qui ne me laisse que peu de temps pour préparer le concours d’entrée à l’école d’administration de Montpellier, c’est d’ailleurs cette école qui m’adresse chaque quinzaine les différents cours. Entre temps, j’ai accédé au grade d’adjudant-chef.

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Le relevé des attachements est un travail important car c’est la physionomie de tous les réseaux enterrés : eau potable, eaux usées, téléphone, électricité, que l’on situe par rapport à des points de repère, je me suis rendu compte que ce travail est souvent négligé dans le secteur privé. Je noircis des feuilles entières que je transmets au bureau d’études à un dessinateur ô combien pinailleur, c’est le métier qui entre en tête.

Après deux années de chantier, je suis à nouveau admis à l’E.S.T.G. de Versailles pour suivre les cours de conducteur de travaux. Nous ne sommes pas nombreux, ce qui nous permet de travailler dans de bonnes conditions, les professeurs sont très attentifs à nos travaux et c’est au bout de six mois que nous quittons l’école avec notre diplôme. Mon séjour mulhousien se termine le 30 septembre 1964.

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En ma qualité de conducteur de travaux, je suis affecté au secteur de Colmar comme adjoint au capitaine chef de secteur. Je prends en charge tous les travaux d’entreprise des casernes Walter et Bruat à Colmar avec un surveillant à ma disposition et du quartier Abatucci de Neuf-Brisach. Ce quartier est en cours de rénovation, notamment avec la construction d’une station d’épuration des eaux usées et l’enfouissement du réseau de distribution de l’électricité, ce qui oblige à un gros travail d’attachements. Le séjour colmarien se termine le 30 avril 1966 car ma nomination au grade de sous-lieutenant vient de paraître au journal officiel. Je suis affecté à la direction des travaux du génie de Strasbourg.

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ARRONDISSEMENT DES TRAVAUX DU GÉNIE D’ÉPINAL

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Je me réjouissais de cette affectation, ainsi, mon parcours alsacien allait se poursuivre après un séjour à Mulhouse et un séjour à Colmar. Strasbourg, une grande ville, une ville estudiantine, lorsque le contre-ordre me parvient. Stupéfaction ! Je suis affecté à la Direction des Travaux du Génie de Nancy pour servir à Épinal. Il y a une raison à ce changement d’affectation : le chef d’arrondissement a fait effectuer des travaux dispendieux dans une caserne sans en avoir l’autorisation qu’il n’aurait jamais eue étant donné la nature des travaux et la couverture financière. Il ne termine pas son séjour à Epinal, il est muté à La Rochelle.

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Après avoir été reçu par mon nouveau directeur à Nancy, lequel m’a lesté de consignes, j’arrive à Épinal le 1er mars 1966 pour y exercer la fonction de chef de secteur et d’adjoint au nouveau chef d’arrondissement. Ma mission consiste à gérer les crédits TERRE attribués à l’arrondissement, à l’exception des crédits AIR, à l’initiative d’un collègue, officier, ayant son bureau sur la base de Contrexéville. Ces crédits TERRE sont de deux natures, il y a les crédits du titre III, assortis de sous-titres, consommables, non reportables, destinés aux travaux d’entretien des bâtiments, et les crédits du titre V, crédits reportables destinés aux constructions neuves, dont les chantiers peuvent durer plusieurs années. Chaque chantier fait l’objet d’une fiche comptable dont la tenue relève de ma compétence. Elles sont sévèrement contrôlées par le service comptable de la Direction de Nancy.

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J’accède au grade de lieutenant, j’ai sous mes ordres des sous-officiers surveillants de travaux et conducteurs de travaux, dont les responsabilités sont réparties dans les casernes en fonction de l’importance des chantiers. À cette époque, le ministère de la Défense lance les grands chantiers de rénovation des bâtiments à usage de logement de la troupe, les projets retiennent toute l’attention du ministère. Ainsi, la ville de Rambervillers disposant de deux casernes inoccupées reçoit un détachement en provenance d’un régiment spinalien, ces casernes doivent être mises aux normes pour permettre à cette unité d’exercer sa mission. Un chantier de plusieurs centaines de milliers de francs m’est confié, il y a lieu de créer des blocs sanitaires, un foyer du transmetteur, un atelier de réparation des véhicules, des ateliers techniques, des chaussées, etc …

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Que sont devenues ces casernes après le repli de l’unité à Epinal ? La base de Contrexéville et ses satellites appartiennent à l’armée de l’air, dont l’arrondissement assure le suivi des travaux. Sur la base, un programme de grands travaux est lancé. Il y a notamment la construction d’un mess pour les officiers, d’un bâtiment à usage de logement des hommes du rang suivant les normes de l’armée de l’air et sur le site d’Auzainvilliers, des groupes électrogènes sont installés pour assurer le service électrique en cas de défaillance du réseau EDF. Beaucoup d’argent est consacré à des travaux d’entretien sur les différents sites de l’armée de l’air à Contrexéville, à Auzainvilliers et Morville. Que sont devenus ces sites ?

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Les casernes spinaliennes reçoivent également leur quote-part de crédits. Nous sommes à l’écoute des chefs de corps qui expriment des besoins. Un exemple : le chef de corps du 170ème Régiment d’infanterie d’Épinal souhaiterait disposer d’un parcours char dans le massif forestier de Razimont, propriété du ministère de la défense. Pour cette réalisation, il sollicite le haut commandement qui ordonne au service des travaux du Génie de vouloir bien procéder à une étude. Le service idoine procède à un lever sur place, prend en considération les desiderata du chef de corps, ouvrages divers, voire compliqués pour permettre aux chars d’évoluer. Il en résulte un avant-projet sommaire chiffré à trente millions de francs. Ce document est transmis au ministère de la Défense qui ne donne pas suite. Je ne me souviens pas à quelle date le commandement a contacté la direction de Nancy en vue d’étudier l’implantation d’un régiment d’artillerie nucléaire. Le chef d’arrondissement, sollicité, a proposé le massif forestier de Razimont, d’une surface de trois cents hectares. Le Général, gouverneur militaire de Metz et commandant la 6ème Région Militaire est venu sur place avec un aréopage d’officiers de différentes armes, en vue de reconnaître le site. D’importants travaux seraient à réaliser, ce site n’a pas été retenu.

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Nous avons effectué beaucoup d’études non suivies d’effet. Je citerai une étude que nous reprenions chaque année à la demande de la Direction Centrale de la Gendarmerie : la construction d’un casernement pour le groupement de gendarmerie départementale. L’arrondissement n’a pas été avare de propositions. Finalement la construction de cette caserne a été confiée à un organisme d’habitat civil, comme ce fut le cas pour le casernement de gendarmes mobiles de Saint Étienne lès Remiremont. Nous avions étudié son implantation sur le terrain de manœuvre de cette localité, une ancienne ville de garnison mais notre étude n’a pas été retenue.

L’armée dispose d’un centre d’entraînement de combat en montagne au col des Feignes, à proximité de La Bresse dont elle est locataire (ce domaine appartient, en effet, à une famille bressaude). Ce centre, un peu sommaire, est commandé par un capitaine. Il se compose d’un bâtiment tous usages et d’une baraque Fillod servant de dortoir pour les stagiaires. Selon nos informations, le commandement souhaitait créer un véritable centre qui soit propriété du ministère de la défense. La famille bressaude, consultée, se séparerait volontiers de cette terre. Cette proposition a probablement fait l’objet d’un rapport à l’état-major de la Région. Ayant eu connaissance de cette probabilité, le général Ducournau, gouverneur de Metz et commandant la 6ème Région Militaire à l’époque a ordonné une réunion sur place pour déterminer les besoins de ce futur centre. Après avoir arpenté le terrain, il a exposé clairement son point de vue : "Non Messieurs, le centre ne se fera pas au col des Feignes, je reviens du col de la Faucille dans le Jura, je puis vous assurer que l’endroit est propice, remballez vos dossiers et je vais vous demander, par courrier, d’abandonner ce centre". En effet, le courrier du général ne s’est pas fait attendre, nous avons ordre de faire démonter la baraque Fillod ainsi que le parking constitué de plaques métalliques PSP par des moyens militaires prélevés dans les unités d’Épinal et rendre le bâtiment et le terrain en bon état au propriétaire. Opérations effectuées, les matériels sont entreposés dans le magasin de l’arrondissement.

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En 1973, la Direction Centrale du Génie à Paris, me propose une affectation au Centre d’expérimentations de l’arme nucléaire du Pacifique à Mururoa dans l’archipel de Tuamotu pour une année sans famille, alors qu’un de mes adjudants est désigné pour la même destination avec famille en résidence à Papeete, chef-lieu de la Polynésie française. Je refuse cette proposition, ce qui n’affecte pas ma carrière, puisque j’accède au grade de capitaine, nomination parue au journal officiel du 5 juillet 1974.

De même que je prends rang au grade de chevalier dans l’Ordre National du Mérite. Conformément aux directives de la Direction Centrale du Génie, les officiers ayant effectué un séjour de dix années sont mutables. Je remplis les conditions pour changer d’arrondissement. En prévision d’une nouvelle affectation et selon les places disponibles, qui nous sont communiquées, je me rends à l’arrondissement de Draguignan afin de connaître mon éventuelle mission. Je suis reçu par un capitaine qui m’assure que ce serait sur le chantier de construction de l’école d’artillerie. Il y a un gros problème de logement dans cette garnison, les cadres vont loger à soixante kilomètres de leur lieu de travail, ce qui demande réflexion.

Je ne me suis pas attardé à réfléchir, j’ai saisi une opportunité qui m’était proposée dans le secteur privé à mon retour de Draguignan. En effet, le directeur général d’une société de négoce en peinture pour professionnels m’a proposé d’entrer dans cette société en qualité d’adjoint de direction avec des responsabilités de gestion des stocks dans les dépôts de Strasbourg, Mulhouse et Epinal. Ce que j’ai aussitôt accepté pour une durée de dix années. Au préalable, j’ai fait valoir mes droits à pension militaire, attribuée au grade de commandant, rayé des contrôles le 15 juin 1977

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Épilogue

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Fils d’un émigré italien arrivé en France en 1924 et naturalisé français en 1934, aîné d’une fratrie de six enfants, né le 29 juillet 1927, avais-je été conçu pour embrasser la carrière militaire ? En tout état de cause, mon père, artisan maçon, m’avait conseillé d’entrer en apprentissage de menuisier ébéniste à l’issue de ma scolarité primaire, car il était hors de question de continuer des études, tandis que ma mère souhaitait que je m’oriente vers un métier de bouche. C’était l’époque de l’occupation allemande, le choix d’un métier, quel qu’il soit, posait problème à cause des difficultés de ravitaillement. J’avais, certes, la possibilité d’entrer en apprentissage chez un menuisier ébéniste à Neufchâteau, ce n’était pas la porte à côté et qui plus est, je devais trouver un hébergement qui aurait été à la charge de mes parents car, à cette époque, l’apprentissage n’était pas rémunéré. En 1943, le boulanger de Bains-les-Bains m’a proposé un emploi dans son fournil, nourriture et logement assurés, ce que j’ai accepté, mes parents étaient ravis car l’aîné était provisoirement casé. Ce métier était-il passionnant ? Avec le recul, je considère que c’était de l’exploitation, car, après six mois de présence, j’avais les coudées franches pour faire les pâtes, tourner et enfourner et cela pour quatre-vingt dix francs par mois, soit quatre-vingt dix centimes des nouveaux francs. Pas de quoi faire la fête !. Un salaire de misère ! Mon patron étant attentif à mes désirs d’aller voir ce qui se passe ailleurs, c’est sur ses conseils que j’ai fait une démarche en 1945, lorsque les relations postales ont été normalisées, auprès de la direction des services maritimes de Marseille en vue d’obtenir un emploi sur un bateau (je ne savais pas ce qu’était le mal de mer). Ma demande d’emploi de boulanger ayant été retenue, j’étais inscrit maritime dans l’attente d’une convocation pour être embarqué, un rêve !

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Finalement aucun signe émanant de cet éventuel employeur, las de pétrir, las d’enfourner, ainsi que je l’explique dans mon préambule, j’ai décidé de quitter le fournil pour contracter un engagement. Je voulais aussi me démarquer de mes camarades, d’une part, d’ascendance terrienne, attachés aux vertus des terres de leurs parents et d’autre part, issus de famille de tradition ouvrière, entraient dans la continuité familiale à la filature et tissage des Etablissements Dorget à la Forge de Thunimont..

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Ma carrière s’est déroulée du 16 décembre 1946 au 31 mars 1977, en trois phases principales dans l’arme: le Sahara, l’Indochine et l’Algérie, et une phase : le service des travaux du génie qui se rapprochait d’un emploi civil, d’ailleurs combien de permis de construire m’ont été confiés !

J’ai apprécié mon séjour saharien, une vie rude certes mais d’une richesse de couleur, de mœurs, en vérité une vie extraordinaire dans un paysage presque surnaturel.

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Dés mon arrivée en Indochine, j’ai compris que ce peuple indochinois était avide de liberté, d’indépendance. Il faut avouer qu’en 1940, nous avions perdu la face, que devaient penser les populations de nos colonies africaines et asiatiques ? Le peuple de France n’était-il pas le peuple du désastre ? La population indochinoise a été très sensible aux promesses du régime communiste comme l’ont été les populations africaines, après le départ des occupants, le train ne serait plus payant, une aubaine et tous les matins le coiffeur raserait gratis. Les politiciens de l’époque n’ont rien compris au problème indochinois. Ah ! Il y avait, certes, des intérêts, ne serait-ce que les plantations d’hévéas. Confronté aux combattants de la liberté, je reconnais qu’ils étaient ardemment accrochés à leur sol, je me suis souvent posé la question "Que faisons-nous dans ce pays ?. Surtout l’accueil au port de Saïgon". Si mon capitaine, tué le 14 juillet 1954, n’était pas sensible aux tracts que nous dispensaient les responsables adversaires, j’avoue que je retenais la leçon, bien que mon statut de sous-officier m’oblige à un devoir de réserve. Malgré nos efforts, il était hors de question de reconsidérer l’Indochine comme une colonie, je crois que le général Leclerc l’avait compris. L’époque de la décolonisation était sur les rails. Ce peuple, épris d’un dynamisme débordant d’ingéniosité, nous démontre, aujourd’hui, sa force industrielle et son appartenance à cette grande Asie.

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Quant à l’Algérie, si les fellaghas avaient une connaissance profonde du terrain, ils n’avaient pas l’esprit aussi combatif que le viêt-minh. Ce n’était pas le même style de résistant. Il faut noter que la majeure partie des fellaghas a reçu une formation militaire dans nos rangs avant de rejoindre le maquis. En raison d’une importante présence française sur ce sol, nous espérions que les résistants allaient s’épuiser, par manque d’armes, de munitions et de ravitaillement. Lorsque, en 1958, le général de Gaulle a clamé, lors de sa venue à Alger "Je vous ai compris, la France c’est de Dunkerque à Tamanrasset" ou quelque chose d’approchant. Nous espérions une fin proche de ce conflit par le succès de nos armes, la rébellion étant brisée. Tout espoir est disparu quand nous avons appris que le F.L.N. , soutenu par des nations étrangères, acceptait d’engager des pourparlers avec la France. Derrière tout cela, il y avait un parfum de pétrole. En 1959, nous avions perdu tout espoir de voir la France devenir l’immense territoire que de Gaulle avait envisagé mais savait secrètement que l’Algérie était perdue !

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Les conflits indochinois et algériens ont eu un coût exorbitant, quel gâchis ! Combien d’hommes sont morts inutilement ? Les hommes politiques, responsables de ce gâchis, ont-ils réalisé que, par leur décision, ils plongeaient des familles dans la douleur, une douleur qui ne s’effacera jamais ? En 1988, j’ai parcouru une région de l’Algérie, de Sidi-Ferruch à Ghardaïa, j’ai constaté que dans chaque village, un monument aux morts est érigé sur la place centrale, sur lequel figurent tous les noms des martyrs du village concerné. À cela s’ajoute une littérature à caractère colonial, des fresques murales dans les restaurants, des panneaux aux endroits stratégiques dans les villes, telles que Bou Saada, Biskra, El Oued, Ghardaia, représentant les parachutistes français tuant des personnes âgées, tout un arsenal tendant à rappeler la colonisation barbare et la guerre sanguinaire menée par les soldats colonialistes durant huit ans, et par les occupants durant cent trente ans. Et que dire des films tendancieux projetés épisodiquement par canal Algérie, chaîne nationale ? Des ferments de haine, une haine solidement ancrée dans le cœur d’une grande partie des algériens. Par crainte, j’ai dissimulé ma fonction militaire et surtout ma participation au conflit, de même que sur la demande de visa sur laquelle il était demandé si nous avions été un acteur de la guerre coloniale.

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La quatrième phase se passe de commentaires, j’ai exercé ma fonction d’officier du cadre technique et administratif en conscience et en restant en règle avec ma conscience, de ce fait, je suis devenu, je l’avoue humblement, un militaire déshabitué à vivre durement et dangereusement par rapport à ce que j’ai vécu dans l’arme. Je ne m’écoutais jamais même si je me sentais fatigué, je continuais à travailler, un responsable doit s’imposer une discipline mentale et surtout s’y tenir. Les notes annuelles qui me furent attribuées par mes directeurs de travaux faisaient état de mon attachement à des valeurs qui s’appellent : ponctualité, ténacité et volonté !. Je les en remercie, j’ajouterai que dans les différentes fonctions que j’ai occupées, le bien le plus précieux mais le plus difficile à gérer, c’était les hommes qui m’étaient confiés. Je leur rappelais sans cesse que dans toutes situations, il faut toujours donner le meilleur de soi (sic).

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Je viens de rédiger, de mémoire, les faits notoires de ma carrière militaire, sans entrer dans le détail, la sagesse commande que la vérité, rien que la vérité soit mise en évidence afin d’éclairer la lanterne des historiens, si d’aventure mon récit est lu par l’un d’eux. Par ailleurs, en possession de quelques souvenirs glanés au cours de mon séjour en Indochine, tels que tracts, argent viêt-minh, compte-rendu du franc-tireur etc… ayant eu connaissance de l’organisation d’une exposition relative à la guerre qui s’est déroulée dans ce pays, j’ai fait don de ce que je possédais à l’association des anciens d’Indochine et par voie de conséquence, aux Archives Départementales des Vosges. J’ai été agréablement surpris de constater, avec quelle méticulosité, le classement de mes objets avait été effectué. À la suite de quoi, Madame Isabelle CHAVÉ, Directrice des Archives Départementales m’a demandé si j’étais en mesure de procéder à une participation biographique sur les grandes lignes de ma carrière militaire afin d’enrichir, préserver et valoriser les archives militaires. J’ai accepté avec plaisir en me réservant un délai de réalisation. Si je devais faire une biographie sur ma vie de retraité, il me suffirait de consulter mes semainiers car, depuis 1988, je note chaque soir mon emploi du temps. Ma retraite, c’est une foultitude d’occupations, le jardinage, le secrétariat des Aînés Ruraux, la gestion d’un club de tennis, la messagerie d’internet, la lecture quotidienne des journaux nationaux, voire étrangers : le Devoir de Québec, El Moudjahid ou El Vatan et encore Liberté d’Alger, le Soir de Casablanca et bien d’autres…C’est la richesse que nous apporte internet. Je ne suis pas du genre à prendre mes quartiers devant un écran de télévision.

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Harsault le 1er septembre 2009

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Et ensuite…… ayant mis fin prématurément à ma carrière, selon la direction centrale du Génie Militaire, j’avais la faculté de continuer jusqu’à l’âge de 58 ans. Or, je souhaitais continuer dans une autre branche, le secteur privé et c’est la raison pour laquelle, je suis entré à la société VILAIR, incluse dans le groupe ZOLPAN, dont le siège était à LYON, ayant deux usines de peinture en Savoie et une usine de produits pulvérulents à Chalon sur Saône, en qualité de directeur adjoint, ayant des responsabilités à Mulhouse et à Strasbourg. C’était une autre voie, celle du négoce, négoce de la peinture, du papier peint et des revêtements de sols, une voie très attractive que j’ai exercée durant dix années. Retraite définitive au 31 juillet 1987.

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               Alors que la Nation vient de commémorer le centenaire de la fin de la première guerre mondiale, il semble important d’élargir et de rassembler nos efforts individuels, ou en associations, afin de poursuivre le travail de mémoire entrepris par nos aînés.

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              La première association d’anciens combattants date du lendemain de la première guerre mondiale 14-18. Aujourd’hui avec la disparition progressive des témoins des deux guerres mondiales et des conflits coloniaux, les différentes associations voient leurs effectifs s’effondrer d’année en année. Les titulaires de la carte du combattant vieillissent, les nouvelles générations de combattants qui interviennent dans des opérations extérieures ne semblent pas attirées par le milieu associatif. Pour cette raison, il apparaît essentiel que nous continuions à transmettre aux jeunes générations les souvenirs qui font notre Histoire de France, car ils sont nos héritiers.

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            Afin d’élargir et de rassembler les souvenirs du monde combattant des différentes générations, André Debruyne m’a fait parvenir le document suivent qui est le fruit d’un travail personnel. Ce document remarquable retrace les souvenirs de toute une région. André Debruyne a créé une association dont il est le Président "Le Sentier de la Mémoire de la Vallée des Lacs", nous ne pouvons que le féliciter pour l’exemple qu’il apporte aux futures générations.

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